Plic. Plac. Ploc. L'eau ruisselle sur les feuilles, sur les branches, tombant au sol en une myriade de petites flaques. Plic. Plac. Ploc. Les gouttes s'écrasent et glissent sur une pelisse grise, se perdant dans cette fourrure sale et emmêlée. Plic. Plac. Ploc. Une petite boule endormie contre ce corps sans vie. Une respiration agitée, un rêve ? Non, un cauchemar. Plic. Plac. Ploc. La fin d'une histoire. Le début d'une nouvelle.

Si la petite Azshara n'a jamais connue l'histoire de Ryûtora, de cet ancien monde, ses parents, quand à eux y sont nés et ont grandit dans ces terres du passé. Jadis membre de la meute Kuragari, l'une était Oméga, l'autre un guerrier. Mais pour la survie de la première, souffrant de cette vie, le guerrier l'aida à s'échapper, mettant fin à cette vie douloureuse et terrifiante pour une existence plus paisible, solitaire. La timide Hati s'occupant de guérir, tandis que le courageux Arwen lui promettait de la protéger quoi qu'il puisse en coûter. Mais la vie en solitaire n'est pas toujours aisée. Et bien rapidement, la belle louve fut touché par ce sentiment de solitude. L'inquiétude la rongeait dès que son bel ami disparaissait, se retrouvant seule face à elle même. Chaque silhouette qui se dessinait sur les parois de son antre l'inquiétait. Ses nuits étaient agités, et seul Arwen parvenait à la réconforter, à la rassurer. Derrière chaque arbre, chaque rocher, elle craignait de voir apparaître une ombre du passé. Les blagues de son ami, les petites moqueries et fausses bouderies lui serrait le coeur alors qu'elle craignait toujours qu'il ne finisse par l'abandonner, las de cette vie loin de leur ancienne meute. N'avait-il pas plus d'une fois rencontré d'ancien camarade ? Et s'il disparaissait ? Et si elle se retrouvait seule ? Au fil des jours, au fil des mois, son coeur s'enveloppait peu à peu des ténèbres de l'angoisse.

Mais dans ce voile de ténèbres, dans cet orage sans fin, apparut cette petite lueur. De l'amitié profonde qui liait la belle à cet ami de toujours était né une nouvelle chose. Une nouvelle étincelle que le beau mâle partageait également. Et dans les flammes de l'amour apparut cette douce lumière que l'on nomme l'espoir. Une nouvelle vie. De nouveaux êtres qui grandissait dans le ventre de l'ancienne Oméga. Une famille. Plus nul besoin d'une meute, en un sens, Arwen l'avait assuré qu'il resterait avec elle.. avec eux. Le monde semblait s'être teinté de mille et une couleurs, ravivant la flamme dans le regard de la guérisseuse, un monde de joie, une vie heureuse. Un espoir rayonnant. Mais quelque chose vint entacher cette vision merveilleuse, de nature fragile, Hati commença à souffrir, tombant doucement malade. Pourtant elle même guérisseuse, elle ne parvint pas à totalement guérir son mal, la fatigue la gagnant, l'inquiétude de son compagnon ne faisant que la rendre d'autant plus nerveuse, elle craignait de s'enfoncer de nouveau dans ce monde froid fait d'ombres. Et c'est ce qui commença peu à peu à arriver. La mise à bas arriva, mais épuisée et encore affaiblie par la maladie, tout ne se déroula pas de la meilleure des manières. Seul un petit survécu à la naissance. Une petite femelle au poil blanc encore tâché de sang. A ses côtés, un corps estropié et sans souffle reposait, d'hors et déjà plongé dans un sommeil éternel. A ce moment, le coeur de la douce guérisseuse sembla se fissurer. Son bébé était mort. L'un de ses enfants ne verrait jamais la lumière du jour, ne connaîtrait jamais la douceur du soleil sur son dos. Il n'était rien. Qu'un petit tas d'os. Qu'avait elle fait pour que Rakuen décide d'attirer à elle cette nouvelle âme tout juste née ? Ivre de chagrin et de douleur, la belle louve laissa sa tête tomber en arrière, restant immobile, les yeux clos tandis que, non loin, la petite femelle blanche se débattait pour atteindre le lait maternel.

Mais, même après cet épisode difficile, la porte vers le monde des ténèbres ne sembla que s'ouvrir d'avantage sous les pattes de la nouvelle famille. Si la petite Azshara avait survécu, si elle semblait, bien qu'elle soit frêle, malgré tout être en bonne santé, Hati dépérissait à vue d’œil. Arwen tentait tant bien que mal de veiller sur elle, de lui faire voir le bon côté des choses, mais rien ne semblait faire de nouveau briller les yeux de la douce guérisseuse. Les jours s'égrainaient, sans que les choses ne bougent réellement. Hati ne semblait pas pouvoir oublier le malheur de sa grossesse, de ce petit louveteau qu'elle ne rencontrera jamais réellement. Même les moments qu'elle partageait avec sa fille semblait morne et triste. Aux yeux de la petite, sa maman était proche mais pourtant tellement lointaine. Comment pourrait-elle comprendre la raison de la tristesse perpétuelle de sa maman ? C'est dans ces eaux là que son pouvoir se manifesta pour la première fois. La pluie tombait, Azshara observait les gouttes qui percutaient la surface agitée du petit ruisseau qui bordait et passait dans la grotte familiale. Ignorant la pluie qui ruisselait dans sa fourrure. C'est à ce moment là qu'il apparut. Ce louveteau tout fait d'eau. Il semblait absorber la pluie qui tombait dessus, un petit sourire taquin étirait ses babines, faisant sourire la petite louve blanche. Elle qui se sentait toujours si seule... Voilà que la pluie lui amenait un ami ! Alors qu'elle lui demandait son nom, il lui répondit, penchant la tête sur le côté, qu'il n'en avait aucun. C'est avec une joie non dissimulée qu'elle lui annonça, que si c'était ainsi, il serait Nazja. Son meilleur ami.

Si de son côté, Azshara commençait à voir un monde plus lumineux aux côtés de cet être aqueux qui restait toujours à ses côtés, Hati, quant à elle, commençait peu à peu à perdre la tête. Son esprit entaché par la peur et les cauchemars qu'elle faisait chaque nuit, souffrait désormais de perte de mémoire. Alors qu'Arwen partait chasser, elle se levait d'un bond, le cherchant partout avant de fondre en larme, terrorisée à l'idée qu'il ne soit parti. Mais il revenait toujours. Protégée par sa jeunesse et son innocence, la petite louve ne voyait pas toute cette souffrance, elle voyait que sa maman était triste, mais ne comprenait pas vraiment pourquoi, elle ne voulait jamais lui répondre quand elle lui posait la question. Alors, le plus souvent vexée de ces non-dits, elle préférait retourner s'amuser avec son presque-frère. Plus d'un mois était alors passé. Et ce jour ci, Arwen mettait plus de temps pour revenir de la chasse. La jeune mère s'était réveillée d'un nouveau cauchemar, les yeux brillants de terreur. Son compagnon n'était pas là et sur les parois de la tanière semblait danser des ombres menaçantes, des anciens loups, des ennemis. Si en réalité il n'en était rien, enfermé dans les délires de ses songes, Hati glapissait de peur alors qu'elle se rendait compte que la petite grotte n'était plus sûre. Arwen l'avait abandonnée, les ennemis étaient partout. Il fallait partir ! Attrapant tant bien que mal sa fille par la peau du cou, chancelant sous le poids sa charge et à cause de sa faiblesse, elle quitta son antre, passant par le ruisseau pour couvrir ses traces. Elle s'enfuyait. Elle devait trouver un autre endroit. Arwen était parti. Arwen l'avait laissé. Arwen l'avait brisée. Alors qu'elle s'éloignait, elle ignorait qu'à ce moment même, l'ancien guerrier était sur le chemin du retour, au pas de course afin de revenir au plus vite auprès de sa compagne. Il ignorait qu'il ne trouverait qu'une tanière vide à son retour.

Il fallait trouver un nouvel endroit, et c'est ce qu'Hati avait fait. La mère était fatiguée. La petite Azshara commençait à la rejoindre dans ses peurs. Son papa n'était plus là. Pourquoi n'était-il pas avec sa maman et elle ? Pourquoi n'étaient-elles plus que deux ? Elle avait peur. Son papa avait-il préféré les laisser ? En avait-il eut marre de ses bêtises ? Il avait préféré partir ? Non, non, non, pourquoi son papa était-il parti ? Il n'avait pas le droit de partir tout seul. Et sa maman qui était si triste, allait-elle partir elle aussi ? Elle s'était d'avantage serré contre le pelage gris de la louve. Elle ne voulait pas que sa maman parte. Et elle voulait revoir son papa. Cette première nuit loin de lui fut difficile. Elle se réveilla en jappant de peur alors qu'elle venait de voir l'ancien guerrier lui asséner que sans elle, tout aurait été parfait, que tout était de sa faute, qu'il était bien plus heureux maintenant qu'il était loin d'elle. Le papa de son rêve avait-il dit la vérité ? Elle ne voulait pas que ce soit vrai. Ce n'était pas possible. Pas possible.

Plusieurs jours passèrent. Hati la laissant parfois seule dans leur nouvelle cachette afin d'essayer d'attraper quelques petites proies, mais elle était loin de réussir aussi bien que le faisait Arwen. Les rongeurs qu'elle attrapait était souvent maigres, mais cela suffisait pour survivre, c'était le principal. Pourtant, jour après jour, la santé de la jeune maman semblait toujours décliner d'avantage. Une vilaine toux s'était joint à ses délires et elle ne trouvait plus le courage de chercher les bonnes plantes pour essayer de se soigner. Mais qui pourrait soigner un coeur et un esprit en miette ? Etait-ce seulement possible ? D'autres jours passèrent. Puis vint le jour maudit. Celui qui hante encore aujourd'hui les nuit de la petite louve. Toujours d'avantage affaiblie, la vie de la jadis belle Hati semblait arriver à son terme. Et c'est en une nuit pluvieuse que la douce mère s'éteignait, le corps chaud de sa fille lové contre le sien, qui devenait de plus en plus froid. Exténué par la tristesse et la douleur qui serrait son coeur, Azshara avait finit par s'endormir, attendant que Rakuen vienne la chercher à son tour. Assis non loin derrière elle, Nazja l'observait, ombre rendue plus imposante par la pluie, silencieux.

Mais alors que tout espoir était éteint, que la pluie avait achevé jusqu'à la moindre braise restante, malgré l'eau qui s'écoulait sur le monde, une toute petite étincelle semblait avoir réussit à survivre. Une toute petite flammèche, ridicule et pourtant, alors qu'une légère brise matinale vint souffler dessus, se transforma en une nouvelle flamme. Encore incertaine et chancelante, mais elle était bien là. Alors que la petite louve était encore lovée contre le corps désormais froid et dur de sa mère, non loin, des silhouettes se frayaient un chemin, jusqu'à ce qu'elles ne débouchent sur ce petit endroit où reposait les deux louves. Si la jeune Azshara ne sut pas vraiment par quel miracle ils étaient arrivés là et surtout par quel miracle il fut décidé de sauver la petite qu'elle était, mais elle était toujours en vie. Khaelys avait promit de veiller sur elle, la pauvre louve semblait marquée des difficultés de la vie, pourtant, elle gardait ce doux sourire qui sut réconforter la petite, quand à son compagnon, il semblait être bien moins froid qu'il ne laissait paraître.

Recommencer sa vie après ces épreuves est loin d'être aisé. Mais Azshara n'est encore qu'une enfant. Des années se profilent encore devant ses yeux. Un avenir s'y dessine, le néant à disparut pour laisser place à ce groupe de rebelle. Là où il n'y avait rien il y a encore peu se trouvait désormais une promesse de vie aux côtés de ceux qui l'avait sauvée ce matin là. Le meneur du groupe et sa douce compagne lui avait offert la plus belle des choses : une seconde chance. Du haut de ses quatre mois, la petite est encore loin de comprendre et de se douter de tout ce qui fait le monde, mais une chose est certaine, c'est que grâce à eux, elle aura tout le loisir de le découvrir.