Ce matin, Aïshala s'était réveillée avec la ferme intention de chasser quelque chose. Son estomac l'avait tiraillé dans la nuit et elle s'était promis de se mettre activement en chasse une fois le soleil levé. Elle avait donc optée pour un coin qu'elle avait estimé la veille en passant à côté, praticable pour une bonne partie de chasse. C'est d'un pas assuré qu'elle se dirigea vers ce lieu, le coeur remplis d'espoir de se délecter d'un bon repas. Elle dû dans un premier temps traverser la forêt dans laquelle elle avait passé la nuit, suivant les odeurs qu'elle avait laissé la veille pour retourner à l'endroit qu'elle recherchait. Ses pas foulaient le sol dans un silence pesant, et seul le bruit des brindilles craquants à l'occasion montrait qu'elle n'était pas déjà en chasse.

Son pelage sombre se fondait parfaitement dans l'obscurité et les ombres de la forêt. Elle pourrait s'y trouver de nombreuses cachettes pour chasser, mais un vieux souvenir d'une chasse infructueuse dans les bois et une foulure à la patte lui avait servit de leçon. Elle préférait éviter ce genre de chasse lorsqu'elle ne connaissait pas parfaitement les lieux, savoir exactement où se trouvait chaque racine dans lequel elle pourrait s'entraver les pattes. Après quelques minutes de marche rapide, elle arriva enfin sur les lieux. A la lisière des bois, tapis dans l'ombre d'un buisson bien garnis, elle dévisagea la clairière, les oreilles couchées sur son crâne et le corps tendu.

Son regard se posa sur un troupeau de cerfs, de biches et de leurs petits au loin, qui mangeaient paisiblement plus à l'ouest de la clairière. Son estomac criait famine, mais elle savait qu'elle n'avait aucune chance d'attraper seule une proie de cette envergure. Elle avait beau chercher une autre odeur de proies plus petites et plus abordables, celle du troupeau recouvrait toutes les autres. La jeune louve pesta de colère et se détourna, ravalant sa rage et sa faim par la même occasion. Cette soudaine colère la rendait électrique, dans tous les sens du terme, et elle tentait tant bien que mal de réfreiner les cliquetis que produisaient les petites étincelles qui s'entrechoquaient de temps à autre au niveau de ses pattes. La louve noire prit une grande inspiration pour reprendre son calme et leva à la tête, se mettant à la recherche d'une autre odeur, une odeur qui n'était pas celle d'une proie mais d'un prédateur. Un autre loup.

Si elle voulait manger quelque chose ce soir, ils allaient devoir être deux.

Un partenaire de chasse, voilà ce qui lui fallait en cet instant pour peut-être espérer planter ses crocs dans la bonne chair tendre et juteuse des biches qu'elle avait vu dans la clairière. C'est donc à la recherche d'un membre des Shin'Kan qu'elle se lança en cette fin de matinée, très déterminée à se nourrir aujourd'hui. Elle espérait tomber sur quelqu'un qu'elle connaissait, de préférence ça aiderait, mais elle se souvint de sa rencontre avec un certain mercenaire qui lui avait parlé des potentiels contrats de chasse qu'ils pouvaient établir, et elle aurait bien accepté un peu d'aide d'un mercenaire contre garantie de partager la grosse proie en cas de succès.

Par chance, elle n'eut pas besoin de faire appel à un de ces mercenaires, ni de chercher très longtemps d'ailleurs. Elle aperçu le pelage blanc de Shlava avant même de l'avoir sentie. Rassurée, elle s'approcha gaiement de lui, sans se douter un seul instant qu'il était actuellement en chasse. Elle ne le connaissait pas beaucoup, simplement de nom et de vu, mais elle espérait avoir là une bonne occasion de faire connaissance, et surtout de manger. Le mâle blanc se retourna pour saluer son arrivée en silence tout d'abord, puis il s'autorisa à lui adresser quelques mots.

- Bonjour, Aïshala ! Lança-t-il sur un ton qui lui semblait plutôt enthousiaste.

- Salut Shlava, lui répondit-elle avec légèrement moins d'entrain que le mâle aux yeux vairons.

La louve noire détourne un instant son regard du mâle blanc pour scruter la forêt. Que faisait-il dans les parages ? Le territoire était grand, il lui arrivait rarement de croiser quelqu'un durant ses escapades dans la forêt. Ce n'était pas une mauvaise surprise, il tombait pile poil au bon endroit au bon moment, mais c'était étonnant. La suivait-il ? Il n'avait pas l'air d'avoir remarqué sa présence avant de la saluer, cela ne devait donc qu'être qu'un pur hasard. Elle allait lui demander ce qu'il faisait dans le coin - et s'il avait quelques secondes de libre - mais Shlava fut plus rapide à poser sa question. Un mince sourire étira ses babines et elle reporta ses prunelles ambrés sur lui pour lui répondre.

- Je suis en pleine chasse. J'ai trouvé un troupeau de biches à l'ouest de la clairière qui se trouve à quelques minutes d'ici, lui dit-elle en indiquant les lieux dans son dos d'un coup de museau, mais je n'arriverais jamais à les chasser seule et je cherchais quelqu'un pour partager ma chasse, ça te tente ?

La louve tentait d'avoir l'air le plus abordable possible. Même si elle n'était pas du genre à se montrer sympathique avec n'importe qui et surtout le premier venu, elle devait faire des efforts de politesse si elle voulait qu'il accepte de chasser avec elle. Ravaler ses petites habitudes solitaire contre un morceau de viande, c'était rentable.

Shlava ne semblait pas s'offusquer des réticences de la femelle noire envers lui, bien au contraire, il semblait souriant et enjoué, ce qui détendait considérablement les tensions qu'Aïshala faisait neutre par prudence avec chaque individu. Il ne semblait pas être quelqu'un de méchant ni d'agressif, il avait même l'air franchement sympathique, alors elle se détendit. Leur chasse serait moins compliqué si elle abaissait un moment sa garde, après tout elle pouvait se le permettre, ils faisaient à présent partie de la même communauté.

- Ecoute, Aïshala -c'est bien comme ça que tu t'appelles non ?- je suis partant mais je suis pas très doué à la chasse, je suis guérisseur à la base.

Les yeux de la louve, qui scrutaient jusque là les bois, s'aggrandir légèrement et se posèrent sur ce loup qui n'était autre qu'un simple guérisseur. Elle laissa échapper un "Oh" dubitatif, pendant qu'elle prenait conscience de ce que cela impliquait et des techniques qu'ils allaient devoir employer pour chasser. Peut-être n'était-ce pas son rôle, mais il devait forcément avoir des qualités là dedans. Comment utilisait ses capacités pour leur propre intérêt ?

- Et…. tu ne connaitrais pas une plante qui peut nous aider à chasser… à tout hasard ? Tanta-t-elle pour détendre l'atmosphère même si elle connaissait déjà la réponse.

Si un guérisseur avait les capacités de rendre victorieuses les chasses rien qu'avec des petites plantes ou de jolies fleurs, la technique serait connu de tous. Or, elle n'avait jamais entendue parler d'une méthode pareil. Pour combler le tout, le mâle blanc jeta un regard à sa fourrure de neige et rappela que c'était loin d'être facile de chasser avec une telle couleur. Aïshala enregistra également cette information négative à leur chasse, réfléchissant à un stratagème pour qu'elle soit néanmoins fructueuse.

- Mais si tu es prête à t’embarrasser d'un pareil boulet, je suis partant.

Elle haussa les épaules, comme si cela lui importait peu. Chaque problème à sa solution.

- Se sera certainement plus compliqué mais moins que si j'essayais seule, et pour être honnête, j'aimerai manger autre chose que les petits rongeurs habituels, d'autant plus qu'il y aurait suffisamment à manger pour nous deux et tout les autres prédateurs qui passeront après nous.

Honnêtement, elle se fichait pas mal des autres prédateurs, si c'était un rapace ou un simple renard qui allait rogner les restes de leur chasse ou mourir de faim, tant que elle elle mangeait et se sentait rassasiée, libre aux prédateurs inférieurs de se délecter de ses restes. La louve se mit à se dandiner d'une patte sur l'autre pour inciter le guérisseur à la suivre. Elle avait peut-être un plan, qui était plus que banal d'ailleurs, et elle allait le lui expliquer sur la route.

- On ne vas pas chercher à faire compliquer, si tu ne sais pas bien chasser mais que ton pelage est visible, on va exploiter tes défauts pour en faire des qualités. Tu te mettras d'un côté du troupeau, et je serais à l'opposé. Lorsque tu te sentiras prêt, tu chargeras sur eux pour les effrayer. Là, deux solutions s'offrent à nous, lui énuméra-t-elle sur un ton très sérieux, tentant de visualiser le plan dans sa tête. Soit, les biches sont affolées et court dans ma direction, j'essayerai alors dans intercepter une, soit le troupeau reste compacte et les cerfs viennent pour te chasser. Là, on se barre en courant. Ca te va ?

Après lui avoir exposé son plan, Aïshala posa son regard ambré sur Shlava pour voir sa réaction. Ce dernier lui adressa un sourire un peu crispé, mais la louve ne s'en laissa pas abattre. Il était peut-être peu confiant pour cette chasse, mais ils devaient essayer. Après tout, qui ne tente rien n'a rien, repartir sans avoir essayé par manque de courage est une marque de faiblesse, alors qu'ils pourraient peut-être réussir !

La louve noire le guida jusqu'à la clairière où elle avait repéré le troupeau de biches et de cerfs. Elle lui intima de marcher plus silencieusement une fois qu'ils furent à proximité. Aïshala tendit l'oreille et observa par dessus les herbes hautes de la clairière pour visualiser où s'était déplacé le troupeau. Par chance, ils avaient légèrement avancé dans leur position, se plaçant au sud-ouest de la clairière.

- Je me mets où ? Lui demanda alors le guérisseur.

Aïshala détacha ses prunelles de ses proies pour les planter dans le regard vairon de son partenaire de chasse. Elle le détailla un moment, puis se fut le tour de leur environnement et elle lui indiqua d'un geste de museau le troupeau.

- Tu vois près du troupeau, à l'orée des bois ? Il y a un rocher qui surplombe les herbes hautes, tu y seras bien vu et ils leur faudrait sauter dessus pour t'attaquer. Tu vas arriver côté forêt et sauter sur le rocher en te faisant le plus menaçant possible, cela devrait effrayer le troupeau. Moi je serais en face de toi, légèrement à ta droite, histoire de ne pas me faire écraser s'ils me foncent dessus.

Elle marqua une pause, le temps de lui laisser digérer le plan et de visualiser la scène.

On se met en position. Comptes jusqu'à 60 avant de te lancer que je sois positionner.

La louve commença à partir pour se placer mais après avoir fait deux pas, elle pivota sur elle-même et le questionna du regard.

- Tu as des questions avant de commencer ?