Pauvre gosse.Lui aussi a été séparé de sa mère alors il a une vague idée de la solitude qu'on ressent. Mais lui, au moins, il a eu du temps. Ouais. Il a eu des années pour l'aimer, pour la chérir, pour se faire des souvenirs.
Il a encore son visage découpé à la serpe en mémoire. Ouais. Un air dur pour un cœur généreux ; des yeux pâles, aux nuances d'un orage, mais avec des lumières similaires aux étoiles plutôt qu'aux éclairs. Une figure aimable, en somme, pour quiconque connaît la concernée. Menhit est pareil. Menhit le sait.
Il veut demander au petit s'il se rappelle d'un truc. Une odeur, un regard, une impression de chaleur. Au lieu de cela, la bouche scellée dans un sourire immuable, Menhit préfère le guider. C'est son rôle. C'est la tâche qu'on lui a confié. Heureusement, le jeune n'est pas farouche.
Il n'est pas méchant pour un sou, non plus.
Comme pour illustrer ses pensées — ou comme s'il lisait dedans — Irys met un point d'honneur à lui arracher un gloussement. Son innocence prête à sourire. D'un minuscule coup de museau sur l'épaule, le guérisseur l'encourage à prendre les devants sur le chemin.
— Tu as raison de les craindre. Surtout la vieille carne qui s'est installée dans la clairière féerique. C'est la seule qui mord pour dire bonjour ! (Son visage s'illumine de passion. Il adore son travail, Menhit.)
Mais je suis sûr que les anciens se sont chargés de faire ton éducation sur le sujet. Ah… ces vilaines pies.Il lève les yeux au ciel dans un mime de l'exaspération, pousse un soupir puis commence à expliquer au jeune comment se repérer grâce aux éléments immuables de la nature. « Là, ce gros rocher. À partir d'ici, il faut compter cent pas » ; « Regarde, on aperçoit le tronc » ; c'est un orme noueux dont l'écorce a été amochée par les passages des animaux.
— Il y a une ruche. Tu vois, en haut ? C'est là qu'on peut recueillir le miel. Il est très important pour la cicatrisation. (Il plisse les cils.)
Il est délicieux, aussi. Mais c'est un détail. J'ai laissé une écorce creuse hier.Il récupère le fameux récipient dans un trou au pied du tronc, entre les racines nues.
— Ces dames ne sont pas sympathiques, par contre. Nous sommes protégés des piqûres par nos fourrures épaisses mais il faut prendre garde à nos visages, d'accord ? Un dard dans l'œil ou dans la gorge et nous sommes perdus !Il pousse l'écorce creuse vers l'apprenti.
— Allez, mon garçon. Montre-moi de quoi tu es capable.[ HRP : Le tronc noueux forme une espèce de rampe sur laquelle Irys peut marcher sans problème pour grimper vers le nid. En-dessous de la ruche, il y a une large branche plate où le miel coule en débordant. Irys peut choisir de le recueillir sans prendre le risque de se faire blesser.
]