La forêt du crépuscule. Quel merveilleux endroit. Giboyeuse à souhait, proche du territoire des Akatsuki, un climat on ne peut plus agréable… Je pourrais passer mes journées ici. Malheureusement, ce n’est pas prêt du territoire de sa meute qu’un espion a le plus de travail. Sauf s’il veut dénicher d’autres espions. Évidemment, ce n’est pas si facile. Un espion est, par définition, un maître dans l’art du déguisement. On n’en trouve pas comme ça.

Enfin, pour trouver quelque chose, il suffit souvent de ne pas le chercher. Pourquoi ne pas chasser un peu ? Le temps est idéal pour ça. Je suis vraiment de bonne humeur ce matin. Rien ni personne ne pourra ternir cette belle journée.

Me baladant dans la forêt, je tombe rapidement sur un petit marcassin. Il n’est pas très gras mais, après tout, je chasse plus pour le plaisir que pour combler ma faim et je pourrais toujours le rapporter à la meute.

Alors que je m’approchais de lui, le petit sanglier s’enfuie. C’est que ça court vite ces petites choses.

Un sourire aux lèvres, je me mets à le poursuivre jusqu’à qu’une odeur me ralentisse dans ma course. Le marcassin tourne à droite. Je le suis du regard et tombe nez à nez avec un loup que je ne m’attendais pas à revoir de sitôt.

— Quelle surprise, vous ici.

Ma dernière rencontre avec Nehëmah et son autre personnalité date d’il y a un peu plus de trois semaines. Ça semble lointain mais dans une vie de vagabonds, ce n’est pas grand-chose. Comme quoi, le destin joue des tours.

Sans grande surprise, ce loup était toujours aussi amical envers moi. A croire que son objectif dans la vie était d’ignorer tout ceux qui l’entourent. Ce n’est pas parce qu’on a perdu des proches, qu’on a un pouvoir particulier ou que sais-je que l’on doit rester seul. Il peut faire croire aux autres qu’il aime la solitude mais, moi, il ne m’aura pas. Je sais reconnaître quelqu’un d’heureux. Quelqu’un dont la solitude est normale et qui n’a jamais rien connu d’autre. Ce n’est pas le cas de Nehëmah. Mais bon, qui suis-je pour le juger après tout ?

Néanmoins, si je l’ai laissé seul la dernière fois, c’était bien parce que l’épreuve que nous avons subie a duré un certain temps. Sur le coup, j’ai décidé de le laisser tranquille pour le remercier de m’avoir sauvé la vie. Ça ne se reproduira pas. Le destin a décidé que nous devions nous recroiser et je compte bien en profiter. Aujourd’hui, il ne m’échappera pas. Je fais de la solitude de ce loup une affaire personnelle. Est-ce que je n’ai rien à faire de mes journées ? Vous pouvez le concevoir comme ça.

Je me mets alors à courir derrière Nehëmah jusqu’à me retrouver à ses côtés.

— Vous vous rendez compte que vous marchez droit sur la frontière des Akatsuki n’est-ce-pas ? Tous les vagabonds du coin savent qu’il vaut mieux ne pas trop s’en approcher. Ils ne sont pas vraiment tendres avec les étrangers.

Et je le sais de source sûre.

Ai-je fais exprès de me « tromper » pour voir sa réaction ? Peut-être que oui, peut-être que non. L’important étant que Nehëmah n’a rien fait à part râler et ça m’arrange grandement. C’est mieux que ce que je n’osais espérer. Peut-être vais-je réussir à faire d’une pierre deux coups.

Numéro un : Me rapprocher suffisamment de ce loup pour pouvoir obtenir des informations si jamais on se recroise. Enfin, se rapprocher est un bien grand mot. Je dirais plutôt, faire en sorte qu’il ne me déteste pas assez pour vouloir me tuer à chaque fois que l’on se croise.
Numéro deux : Diminuer un peu la solitude qui le ronge. J’ai déjà rencontré pas mal de vagabonds mais jamais d’aussi intéressants. J’aimerai bien avoir quelques informations supplémentaires sur son pouvoir également. Connaître les pouvoirs des autres loups permet de mieux visualiser le champ des possibles dans ce domaine. Donc de mieux cerner les pouvoirs que peuvent avoir nos ennemis.

Décidément, cette journée est de plus en plus intéressante.

Nehëmah a beau essayer de me semer, je marche toujours à côté de lui. Ou d’eux plutôt, je suis un peu perdue dans cette histoire de personnalités multiples.

— C'est vrai, vous avez raison, désolée. Dans ce cas, je vais vous accompagner sur un petit morceau avant que nos chemins se séparent.

J’ai préféré appuyé sur le « petit » pour lui faire comprendre que je ne compte pas aller jusqu’au territoire neutre du Sud. J’ai encore des choses à faire dans cette forêt et je ne suis pas idiote au point de vouloir l’accompagner plus longuement que quelques dizaines de mètres.

Ça a au moins le mérite d’être clair et je ne compte pas aller plus loin aujourd’hui. Nehëmah m’a tout l’air d’être arrivé aux limites de sa patience. Si je continue d’insister, je risque de devoir me battre et je ne peux pas me le permettre. J’ai trop peu d’informations sur lui pour ça. Si je n’en sors pas vivante, l’Akatsuki aura inutilement perdu un espion.

Je choisi donc de m’arrêter, laissant le loup continuer son chemin. Ma conscience me dit d’abandonner l’affaire. D’éviter ce loup, si jamais je le recroise. Mais abandonner est un mot que je ne connais pas. Pas tant que ma vie ou l’avenir de ma meute n’est pas immédiatement menacée. Prudence est mère de Sureté mais elle est aussi la cousine de Ruse.

D’une voix assez forte pour que le loup puisse m’entendre, j’entonne gaiement :

— Je te souhaite une bonne journée Nehëmah. À une prochaine fois.

Avant de laisser le temps à l’autre loup d’avoir une quelconque réaction, je suis son conseil et cours dans la direction inverse de celle qu’il a prise. Vu son attitude précédente, il ne me suivra pas mais on est jamais trop prudent.