Lunaire se réveille à l’aube. Un peu ailleurs, un peu perdue dans les derniers morceaux de rêve. Elle a le goût de la bile sur les papilles, la bouche pâteuse, les lèvres légèrement gonflées à force de les mordiller dans son sommeil. Ses muscles sont tétanisés, glacés malgré la clémence du ciel. Elle a rêvé de sa mère, de son père. À l’intérieur, Lunaire se demande « pourquoi » ; « pourquoi maintenant » « pourquoi si soudainement » ; ses proches n’avaient plus hanté ses songes depuis l’avènement de son amie, Henael. Mais voilà qu’ils reviennent…
Elle soupire, assise dans le camp serein. Le jour n’est même pas encore levé mais sa confidente — madame Lune — s’est déjà couchée. Lunaire est coincée là, à ce moment si peu aimé ; c’est un peu le soir et le matin à la fois. Le vent souffle dans ses poils. Il sent la rosée, il sent l’humidité, les proies, les loups. Il sent l’absence. Il sent le vide. « Absence » et « vide » parce que les odeurs de ses géniteurs ne sont pas là. Oui, Lunaire se rappelle. Elle se souvient sans peine des parfums mêlés sur la peau de sa mère.
Elle lance un regard en arrière. Son amie est là-bas, endormie. Elle n’a qu’une poignée de pas à faire pour la réveiller, pour trouver du réconfort auprès de la seule personne qui la connaît sur le bout des ongles. Henael. C’est elle sa famille. Pas les autres. Pas ceux qui l’ont laissée seule, plongée dans le silence. Pas ceux qui ont juré de revenir la chercher mais qui n’ont pas rebroussé chemin après. Pas ceux qui l’ont obligé à errer au début du soir afin de quérir un secours. Pas ceux qui ont oublié de répondre à ses hurlements de bébé abandonné.
Pour les siens, les vrais, Lunaire prend la route vers les frontières. Il n’y a pas plus belle preuve de son amour pour eux : assurer leur sécurité alors qu’ils somnolent paisiblement. Elle croise un guerrier matinal, deux jeunes dopés à l’acide qui essaient d’échapper à la vigilance d’un parent à moitié mort d’épuisement ; Lunaire revêt un air hautain — un peu menaçant —, puis aboie des ordres aux morpions survoltés. Ceux-là se ratatinent dans leurs poils avant de retourner auprès du père usé.
Les minutes succèdent aux secondes, finalement rattrapées par les heures. Le soleil pare l’horizon de rose quand Lunaire parvient à sa dernière destination : la plage. C’est son moment préféré ; celui où le calme est malmené par le fracas des vagues sur les rochers. Elle zigzague sur les pierres, regarde son ombre déformée. Au moment de relever le nez, la sentinelle repère un corps. Proche de la frontière. Trop proche de la frontière. Tout son être devient raide, les yeux fixes. Elle approche prudemment sur le terrain qui n’offre pas de planques. C’est le seul désagrément du lieu : il est nu, à l’exception des roches semées sur le sol, ce qui ne permet pas de se cacher. Elle cherche le vent, se place dans la bonne direction pour recevoir des informations sur la personne qui paraît observer l’océan. Malheureusement, les embruns particulièrement forts camouflent les relents à une telle distance. Elle rompt la distance. Encore. Et encore. Son cœur bat la chamade entre ses côtes. Une fourrure blanche.
Tout près, Lunaire gonfle son pelage pour se donner une contenance. Si ses crocs ne sont pas dévoilés, c’est uniquement parce que la sentinelle ne connaît pas les motivations de l’individu ; il pourrait s’agir d’un loup en détresse, bien que son apparence ne semble pas trahir du désarroi.
- Vous vous trouvez au plus près des frontières Yuubae. (Sa voix a quelque chose de caverneux.) Qui êtes-vous et que voulez-vous ?
Lunaire n’aperçoit que le dos de l’individu. Elle n’a aucune idée de son sexe, de son odeur — désespérément masquée — ou de son âge. Elle ne sait qu’une chose : sa fourrure est blanche comme la neige.
Lunaire
Kindred
Mercenaire
Feux Follets : 64
Ven 1 Nov - 16:48
Le vent. Il s'engouffre dans la grotte qui sert de foyer éphémère à un être maudit et son âme-sœur, plus sombre que la nuit éternelle. Un grondement se fait entendre, il s'élève de quelques centimètres à peine, de la blanche louve qui sommeille tranquillement. La bête s'est relevée, gardant sa belle sans trop y croire, préférant la haïr silencieusement à chaque instant que le monde fait. Il est là, attendant qu'elle se réveille pour la tourmenter, mais ce moment paisible durant lequel il regarde à l'horizon paraît presque irréel. Lui qui la fait souffrir se retrouve ainsi, à simplement attendre qu'elle soit revenue du monde des rêves.
Un frémissement et son œil s'entrouvre pour accueillir la douceur de la nuit. Presque immédiatement il s'active, se retourne vers elle et s'approche rapidement. Un coup de museau qui pourrait se vouloir affectif pour la plupart des loups, ne l'est pas pour eux, il veut simplement la lever plus vite pour aller chasser, car la faim n'attend jamais.
Ses yeux rencontrent les siens, un regard suffit entre eux, puis elle se lève et secoue sa douce pelisse pour en retirer les poussières. Elle s'étire, couvre leur abri de fortune du regard et décide qu'il est temps de partir, ils n'ont que trop traîné ici.
« Dis Kiba, tu veux chasser quoi ? »
Il se tourne vers elle, surprit qu'elle lui demande, il lui impose généralement sa volonté. Un sourire carnassier se dessine, déforme son visage princier pour se transformer en un rictus affreux.
« Tu connais la réponse. Alors dépêche toi ! »
Il s'enfuit déjà, la forçant à le suivre même si elle n'est en réalité que la seule à pouvoir observer son corps se mouvoir entre les branchages qui jonchent le sol. Elle esquive, se faufile et tente de le suivre comme elle peut, mais il ne subit pas les effets de la fatigue et son endurance n'a aucune limite contrairement à elle.
« Territoire Yuubae ? Pourquoi ? »
« L'instinct petit agneau, il faut toujours l'écouter. »
Elle grogne, détestant par dessous qu'il l'appelle ainsi, mais elle n'avait d'autre choix que de suivre si la demoiselle ne voulait pas subir sa frustration. Ils arrivent à la frontière du territoire des Yuubae, du moins le pense-t-elle, car, en apparence, il n'y a qu'elle qui peut apparaître aux yeux des autres, seul son corps peut être heurté lorsqu'un autre animal décide qu'elle n'est pas la bienvenue quelque part, mais même dans ce cas, il continue à la faire souffrir encore et encore. Car il n'est pas rassasié. Jamais.
Une voix la surprend alors qu'elle contemple les rochers et le bruit envoûtant de l'eau. Son regard bicolore se tourne vers l'autre loup, puis elle se retourne pour faire face.
« Je me nomme Kindred. Je suis une Mercenaire. Si ma présence dérange je peux m'en aller. »
Un murmure presque inaudible se fait entendre aux côtés de la blanche, la voix caverneuse de Kiba résonne malheureusement jusqu'à l'autre louve blanche.
« Pourquoi nous en aller, quand la fête ne fait que commencer... »
Yuki ne bouge pas, se demandant pourquoi son sourire s'est transformé en désire si furieux qu'il a osé prendre la parole directement. Qui est-elle ? Elle l'ignore, mais si Kiba se montre si pressant, il y a forcément une raison.
« Puis-je vous demander qui vous êtes ? »
Son regard remonte jusqu'à elle. Elle croise le sien. Ses yeux entremêlés à n'en point douter, signe distinctif rappelant le trouble au plus profond de son cœur. Celui-ci manque un battement et la respiration semble plus difficile.
Songe d'une nuit d'été. // Lunaire
Kindred
Lunaire
Bêta
Feux Follets : 544
Mar 12 Nov - 14:48
Lunaire demeura figée, raide. Son dos ressemblait à un bout de bois sec : immobile, dur, cassant. Ses yeux, eux, reflétaient sa méfiance envers les étrangers. Elle n’était pas de Yuubae, voilà sa seule certitude. Pas des siens. Elle n’avait pas à être là, pas à menacer ses frontières par sa présence. « Elle » parce que la grâce qui se dégageait de ses mouvements ne pouvait décemment pas être celle d’un mâle. Eux avaient une certaine brutalité dans le corps, comme une énergie mal canalisée. En cela, Lunaire avait plus du mâle que de la femelle. Elle n’avait pas de délicatesse à revendre, ni de douceur dans la peau.
- Je me nomme Kindred. Je suis une Mercenaire. Si ma présence dérange je peux m’en aller.
Le sang brûla dans ses veines, comme une flaque d’alcool sur laquelle on aurait balancé une flamme. Un mercenaire ? Les mâchoires serrées, la bouche plissée dans une moue profondément désapprobatrice, Lunaire dévisagea la femelle blanche. Y avait-il un contrat sur un Yuubae ? Elle espérait que non. La Veilleuse irait jusqu’au bout, si tel était le cas. Elle n’hésiterait pas à tuer tous les vendus de son espèce. Elle s’apprêtait à demander le nom de la cible quand une voix masculine résonna. Une voix qui lui rappelait des souvenirs.
- Pourquoi nous en aller, quand la fête ne fait que commencer…
Lunaire chercha l’origine pendant une poignée de secondes. Elle savait que c’était idiot, la plage était dégagée ; s’il y avait eu quelqu’un d’autre, la Veilleuse l’aurait remarqué depuis longtemps. Elle repoussa son mauvais pressentiment, jugeant que son travail passait avant ses angoisses. Les fantômes n’existaient pas.
- Puis-je vous demander qui vous êtes ?
La Veilleuse reposa ses prunelles si spéciales sur la femelle. Elle se rapprocha d’un pas ou deux pour que sa vision soit plus nette. Elle remarqua alors ces yeux-là. Deux billes affreusement similaires aux siennes. Son cœur s’accéléra. Son pouls devenait fou. Elle coucha les oreilles en arrière, rongée par l’envie de faire demi-tour. Parce que ce regard-ci était trop familier. Il était assimilé au dernier moment passé aux côtés de sa mère, ce jour où la plus âgée l’avait abandonné.
Lunaire parvenait à garder ses larmes au fond de son cœur. Elle se força à reprendre une allure digne, campée sur ses pattes longues et fines.
- Lunaire. Je suis la Veilleuse des Yuubae. (Sa voix résonnait, grave, rauque.) Avez-vous un contrat sur un membre de la meute ? Si tel est le cas, je me dois de vous avertir : vous ne passerez pas.
Lunaire
Kindred
Mercenaire
Feux Follets : 64
Mar 12 Nov - 22:41
Elle est là. Devant eux à ne plus pouvoir s'en passer. Ses rires raisonnent au fond de son cœur et déjà son esprit s'envole aux côtés de ses souvenirs. Sa voix chantante, ses premiers pas, ses premiers mots, ses premières chutes. Yuki se rappelle de tout, Kiba aussi mais préfère les ignorer pour ne pas se laisser aller. Une question la réveille, la tirant de son idylle éphémère qu'elle venait de se construire, mais ce qui n'est qu'une fraction de seconde peut être brisé en une seconde fraction. Brisant les espoirs en de milliers de morceaux.
« Je n'ai aucun contrat visant un loup Yuubae. »
Kiba ricane à son côté, il n'attend qu'une chose, pouvoir traquer ce qu'il a sous les yeux, mais la blanche n'a pas dit son dernier mot, il était hors de question qu'il prenne le dessus après ce qu'elle venait de voir, elle n'allait certainement pas le laisser gagner une seconde fois, lui qui l'avait forcé à l'abandonner ce jour là. Elle allait lui faire regretter un jour ou l'autre, même si son amour était une flamme qu'elle ne cessait de raviver par des souvenirs heureux, elle ne pouvait penser une seconde de plus, à cette idée de lui faire du mal à elle.
Kiba est cinglant, il y a évidemment un sous-entendu à sa phrase, il ne cherche qu'à la traquer comme il l'a toujours fait avec chaque être qui avait pu s'approcher de la blanche. Yuki secoue la tête, elle ne sait plus quoi faire ou dire, c'était de sa faute, de la sienne, il n'était pas responsable, c'était sa décision de l'abandonner pour qu'il ne lui fasse pas de mal, mais elle l'avait tellement regretté, elle avait tellement prié le ciel pour qu'elle ne lui revienne jamais, pour qu'elle trouve une vie meilleure, mais tous ses vœux étaient faux, elle l'avait toujours su, ce qu'elle désirait réellement... Elle ne voulait que la revoir, la revoir et lui demander pardon et maintenant qu'elle se trouvait devant elle, elle ne savait que dire, elle avait peur qu'elle lui échappe à nouveau.
« Maman a retrouvé son bébé, maintenant, il est temps de le croquer. »
Kiba apparaît, ondulant frénétiquement aux côtés de Yuki, il sait qu'il est visible et ne s'en cache pas le moins du monde, il veut être vu, il n'est jamais vu quand il ne ne désire pas de toute façon. Il lui lance un sourire carnassier, appelant à la confrontation, mais alors qu'il ne bouge pas, c'est elle qui se tourne vers lui et lui jappe presque à la truffe.
« Tais toi ! Elle n'est pas à toi et ne le sera jamais. »
Kiba ne dit plus rien, il préféra se taire, attendant de voir ce qu'allait ajouter Lunaire, il n'attendait qu'une pique de sa part, qu'une douleur même minime soit elle pour lui infliger le double en une pensée malsaine. Yuki se retourne à nouveau vers celle qui est à n'en point douter, le fruit de leur union.
« Je n'ai jamais voulu te laisser... »
Elle détourne le regard, fuit le sien. Elle ne s'est jamais sentie aussi faible, jamais aussi pitoyable, alors qu'il semble peser sur elle comme une menace de plus, elle semble se ratatiner sur elle-même sans bouger d'un millimètre.
Songe d'une nuit d'été. // Lunaire
Kindred
Lunaire
Bêta
Feux Follets : 544
Mar 3 Déc - 21:54
Nous. Nous. Nous.
Nous — ce nous qui avait sonné la dernière heure de leur lien. Une mère, une fille, séparées pour le bien de ce « nous » ; Lunaire avait été sacrifiée au nom de ce « nous », de ce couple bizarre qui aurait dû la chérir. Son cœur se recroquevilla un peu plus dans sa prison d'os. Elle perdait pied. Elle ne savait plus quoi éprouver, quoi dire, quoi hurler. Elle s'était imaginée la scène des milliers de fois durant sa jeunesse, pourtant. Elle avait rêvé de ce jour pendant des semaines entières, crachant des mots brutaux pour faire savoir à ces individus à quel point ils étaient haï par leur propre descendance.
Néanmoins, là, devant ces yeux plus réels que son reflet dans l'eau, Lunaire n'était plus la Veilleuse courageuse, plus la chasseresse douée, plus la louve mûre qui avait su se reconstruire après avoir été butée à bout portant par sa propre mère. Elle était à nouveau ce bébé, là. Comme s'il ne s'était pas écoulé une minute depuis son départ, comme s'il n'y avait jamais eu Astrée, Cancri, Henael, les autres. La gorge sèche, la jeune femelle essaya de déglutir. Elle chercha de l'air, de l'oxygène pour nourrir son cerveau peu à peu asphyxié par ses souvenirs.
Ouais, ses souvenirs.
Elle pouvait se rappeler, désormais, de leurs voix. De leurs corps dans la pénombre, de ses histoires à lui — souvent horrifiques — qui n'étaient jamais parvenues à le rendre monstrueux à ses yeux de môme. Elle avait aimé ce père, là. Ce fantôme, ces débris d'une âme en morceaux qui semblait condamnée à errer. À délirer. Presque pour confirmer le cheminement de ses pensées, Kiba se montrait. Il vibrait, il dansait comme un mirage dans une tempête de poudreuse. Lunaire l'observa. Longuement. Il lui était familier. Désespérément familier. Son cœur de petite fille se rappelait de lui comme on se souvient d'un père. Il n'avait jamais été aimant, pourtant. Il ne l'avait jamais aidé, pas comme Cancri qui l'avait réellement éduquée. Kiba avait seulement cherché à la bousiller, à la faire disparaître.
- Laisse-le venir. Je n'ai pas peur de lui. C'est mon père.
Elle le regarda dans les yeux sans ciller. Son cœur calma ses battements, ses lèvres cessèrent de trembler.
- Tu n'as qu'à me tuer, si tu veux. Hein, Papa ? Mais c'est la dernière chose qu'on fera tous les deux ; parce qu'il n'y aura que deux possibilités ; tu meurs avec moi ou on fera ménage à trois. Maman vivante, nous accrochés à son dos comme deux parasites. Tu veux vraiment prendre le risque de finir coincé avec moi pour le restant de tes jours ? Ça ne se bouffe pas, un fantôme. Ça ne se chasse pas non plus, quoi qu'il arrive.
Pourquoi le provoquer ? Pourquoi chercher à crever ? Pour prendre une décision, au moins une fois dans sa vie. Une vraie. Pour l'obliger à faire un choix, aussi. Si sa mère l'avait abandonnée dans son enfance, Lunaire n'était pas forcée de faire la même chose avec celle qui lui avait donné la vie. Elle n'était pas contrainte de les larguer pour se venger. Non. Elle pouvait faire pire : leur rappeler chaque jour qu'ils avaient loupé deux ans de son existence à cause des conneries d'un spectre incapable de se contrôler. Elle était capable de s'imposer à lui, même s'il fallait endurer les pires souffrances pour cela. Elle avait son propre pouvoir pour s'habituer à la douleur, pour se désensibiliser. Il n'arriverait pas à la déstabiliser, à lui imposer la fuite et ses envies à lui. Elle n'était pas faible. Elle saurait résister.
Lunaire
Kindred
Mercenaire
Feux Follets : 64
Mar 3 Déc - 22:44
Qui es-tu ? Cette question raisonne dans la tête de Yuki, cette simple phrase semble la tirailler plus fortement que si l'on tordait ses entrailles. Tu n'es rien pour moi. Elle sert les crocs, préférant souffrir en silence plutôt que d'avouer qu'elle l'a perdu depuis si longtemps déjà. Ma mère est morte. Elle sait qu'elle ne mériterait pas mieux, mais son cœur refuse de le croire. Tu m'as abandonné. Oui. C'est une certitude, elle l'a fait, c'est elle qui l'a voulu, c'était son choix, peu importe les raisons. Cet acte était ignoble. Elle secoue la tête, refuse d'accepter cela sans se battre.
« Je... S'il te plait... Laisse moi te raconter Lunaire. »
Kiba se tait, il fait semblant de ne rien entendre. Son regard est perdu dans le vague, loin de toute réalité. Il a fui, cet esprit qui n'a d'autre but que de traquer et exterminer. Il a fui, parce qu'il n'a pas eu ce qu'il voulait, comme un enfant beaucoup trop gâté à qui l'on aurait refusé une part de gâteau. Le vrai loup tente sûrement de revenir, il essaye inlassablement de briser les chaînes qui l'emprisonnent derrière un autre qui n'est que l'ombre d'une malédiction.
Yuki le regarde, cherchant une aide qu'elle n'obtiendra jamais. Il la laisse, comme à son habitude, seule pour combattre ses démons. Elle lutte pour garder l'esprit lucide, elle lutte contre lui, lutte contre cette décision qu'il l'a forcé à prendre, elle ne sait faire que cela, lutter pour sa propre survie en dépit de tout ce qu'elle a pu chérir un jour.
« Il est parti. »
Son esprit disparaît lentement, laissant derrière lui une légère ondulation noirâtre. Il était en effet trop faible pour accepter toute forme de rébellion et refusait l'échec. Abandonner la blanche à son propre sort semblait la meilleure solution pour cet esprit si lâche qu'elle en venait à se demander si Kiba était réellement caché quelque part. Kiba. Lui qui avait toujours tout affronté de son vivant, allant jusqu'à se sacrifier pour la libérer de son supplice. Il se battait, la défendait, devenait le chevalier protégeant sa belle au prix le plus fort. Elle souriait, parfois, en y repensant avant de s'endormir sur le sol froid d'une grotte qui allait servir pour la nuit.
« Je sais que cela n'excusera rien, mais veux-tu entendre ton histoire ? Non.Notre histoire ? »
Une pression tout contre son corps lui fait savoir qu'il s'est rapproché, quêtant un retournement de situation qu'aurait miraculeusement décidée la belle. Pourtant, cela fit l'effet inverse, elle s'assit, décidant qu'elle en avait assez de devoir attendre une décision de sa part pour faire quoique se soit. Alors elle lui raconterait, tout, depuis le début, avant même sa naissance, même si pour cela, elle devrait revenir en arrière au point d'en souffrir.
« Après, tu décideras. »
Yuki savait que Lunaire comprendrait qu'elle parlait de sa disparition définitive de sa vie, que plus jamais elle ne viendrait la déranger d'une quelconque façon si elle en décidait ainsi, tous les droits lui revenaient, tout, absolument tout serait une décision qui ne les ferait revenir en arrière. Jamais.
Songe d'une nuit d'été. // Lunaire
Kindred
Lunaire
Bêta
Feux Follets : 544
Mer 4 Déc - 19:54
Lunaire n'arrivait pas à détourner les yeux de ce corps immatériel. Son sourire carnassier se mua en neutralité, en vide. Il ne chercha pas à lui répondre ni à attaquer. Il demeura seulement là, fantôme soudainement privé de sa voix. Alors, Lunaire réalisa que le mâle se foutait éperdument de ce que sa fille pouvait répondre. Il avait seulement espéré la pousser à la faute, à donner le premier coup. Une moue écœurée déforma son doux visage. Il n'était pas son père. Il ne le serait jamais. Elle savait, désormais, ce qu'était un vrai parent : un être doux, patient, protecteur. Cancri était son père. Kiba, lui, seulement une énorme coulée d'encre sur son arbre généalogique. Elle le jaugea, amère. Elle ne chercha même pas à se cacher derrière une impartialité bidon ou une neutralité feinte. La Veilleuse vivait et respirait intensément, sans jamais créer des masques ou des barrières plus que nécessaire. Or, ce jour-là, dissimuler n'était pas indispensable.
Sa mère essaya d'attirer son attention une première fois, sans succès. Elle n'accordait de crédit qu'à Kiba, probablement à cause d'une impression désagréable : celle de lui ressembler. Pas physiquement, non. Au-dedans. Elle aussi faisait passer ses désirs avant ceux des autres. Elle aussi pouvait faire un mal considérable à ses proches — à ceux adorés par son cœur farouche — à cause de son pouvoir incontrôlable. Son cœur se serra. Elle ne voulait pas être comme lui. Pas question.
Il ondula, vibra une dernière fois avant de s'évaporer pour de bon. Elle écrasa ses mâchoires l'une contre l'autre pour ne pas hurler de rage. Pourtant, à l'intérieur, Lunaire brûlait. Des larmes commencèrent à affluer au niveau de ses cils. Elle lui avait donné une occasion de faire ce qu'il voulait mais il s'était replié ; alors que quelques secondes avant, il aurait vendu la peau de sa mère pour l'étriper. Elle était prête à parier qu'il avait refusé uniquement parce que la Veilleuse avait consenti, parce qu'il n'y avait pas eu de peur mélangée à son odeur. Elle ne put s'empêcher de murmurer son amertume, à défaut de savoir la crier.
- Putain de lâche.
Elle se demandait même s'il était possible qu'elle ait été conçue par un autre mâle. Ouais. Sinon, comment expliquer qu'un loup pareil ait donné naissance à une femelle qui refusait de fuir ses problèmes ? Elle n'était pas comme lui. Oh, non. Elle s'était fourvoyée en pensant qu'ils se ressemblaient. Ils étaient complètement différents. Elle était bonne, lui mauvais. Lui seulement bon pour l'Enfer. Forte de ses constatations, Lunaire lança un dernier regard chargé de dégoût aux particules noirâtres qui achevaient de se consumer, puis accorda enfin une œillade à la louve blanche jusque-là ignorée. Elle n'en avait pas moins perçu ses suppliques, ses demandes, mais son âme y était imperméable.
- Après, tu décideras.
Lunaire chercha ses véritables désirs au fond de ses yeux semblables. Elle essaya de discerner un mensonge, une volonté de nuire. Elle était mercenaire, après tout. Elle pouvait tout aussi bien avoir été engagée pour la tuer, elle. Elle n'avait pas hésité à la laisser livrée à elle-même alors que la Veilleuse n'avait que trois mois ; pourquoi pas finir la sale besogne maintenant que la môme avait presque trois ans ? Elle haussa simplement les épaules avec nonchalance. Pourtant, ses billes, elles, forçaient à se méfier. À bien se tenir. Les sentiments les plus sombres y flottaient comme autant de menaces silencieuses ; au moindre écart, Lunaire ferait passer la sécurité de la meute avant sa conscience. Elle avait déjà tué, elle recommencerait.
- Vas-y. Je ne te promets pas de comprendre, il y a peu de chance que je puisse.
Sans un mot de plus, la Veilleuse se replia profondément en elle-même. Elle poussa ses émotions à l'intérieur d'une boîte refermée à double-tour, dans le seul but de ne pas se laisser émouvoir. Non, ils ne changeraient pas ce que Lunaire était devenue.
Lunaire
Kindred
Mercenaire
Feux Follets : 64
Mar 28 Jan - 19:23
Pars et ne reviens jamais. Cette simple idée qui lui effleure l'esprit la torture et manque de lui arracher un couinement de douleur. Tu ne mérites pas de connaître celle que je suis devenue. Elle loupe une respiration et manque de s'étouffer, son esprit se livre une bataille sans fin qu'elle ne peut contrôler et tout ce qui lui passe par la tête est une succession de cauchemars qu'elle a pu faire en espérant la retrouver. Je préférerais que tu sois morte. Son esprit vacille entre deux mondes, l'inconscience et l'armure qu'elle s'est forgée au fil des années se retrouvent si fragiles qu'elle en suffoquerait sans nul doute plus d'une seconde.
« Merci Lunaire. Je vais tâcher de ne pas prendre trop de ton temps... »
C'est ainsi qu'elle se mit à raconter l'histoire de sa vie, non seulement elle allait livrer ses sentiments, mais en plus, elle devrait le faire en étant jugée. Elle redoutait ce moment mais savait qu'elle n'avait d'autre choix que de se plier à ce jeu.
CF:
- Yuki parle en #E6D3FA Kiba traque en #474ACD -
La neige tombait depuis plusieurs heures quand la blanche se posa pour conter leur histoire à tous les deux, pour une fois l'esprit était doux avec elle et ne demandait pas à chasser violemment. Yuki commença à parler d'une voix cristalline, douce à l'oreille mais toutefois blanche comme son pelage.
« Ma vie n'était rien, au début. La mort était tentante, si proche. Pourtant je n'ai rien fait pour la stopper, j'ai simplement survécu pendant un certain temps sans pour autant avoir cette impression de vivre réellement. »
Le loup bestial était incroyablement calme aujourd'hui, il écoutait la blanche aussi posément qu'il lui était donné de pouvoir l'être dans son état actuel. Il l'observait, à ses côtés, il restait silencieux. Son esprit était-il à nouveau éveillé en entendant sa propre histoire racontée par celle qu'il avait aimé ?
« Un jour, il est venu à moi et avec lui, l'espoir de pouvoir connaître une vie différente de celle qui m'avait déçue jusqu'alors. Il me sauva des griffes de ceux qui avaient oublié que je n'étais qu'une enfant, quand ils me firent participer à leurs jeux brutaux. Ils se servaient de moi, pour se défouler, je n'étais pas une Oméga, pourtant l'on me traitait comme telle. Pourquoi ? Parce qu'avoir un pouvoir qui ne peut pas blesser était à leurs yeux, une aberration. »
A mesure qu'elle parlait, elle sentait les prémices d'une agitation intérieure, elle savait que Kiba n'allait certainement pas rester de marbre plus longtemps, il était déjà à son maximum, alors elle continua, espérant pouvoir finir son histoire.
« Ils n'étaient plus ma famille dés que son regard a croisé le mien, j'ai senti que son âme s'était liée à celle qui m'appartenait. Le temps passa et je m'aventurais souvent en sa compagnie, plus souvent que je ne donnais du temps à cette "famille". Je m'évadais de ce monde trop insupportable pour la petite que j'étais, je pouvais enfin sortir de ce cercle infernal durant un laps de temps. Certes il était plutôt court, mais il me permettait de vouloir vivre pour une raison qui n'appartenait qu'à moi, enfin, il n'appartenait en réalité, qu'à nous deux. Mais ça je ne l'ai pas compris assez tôt. Quand je rentrais, rien n'était plus pareil, l'on me battait encore davantage qu'auparavant, l'on m'utilisait pour calmer les autres car je n'avais pas pu les canaliser durant la journée. »
Le loup remua à côté d'elle, avait-il compris ce qu'elle racontait ou était-il simplement dans une phase d'appétit grandissant et qu'il voudrait bientôt chasser ? Elle n'en savait rien, mais sembla-t-il réagir aux paroles douloureuses pour la femelle, un grognement sourd se fit entendre et lentement il se pressa contre elle, bien entendu, personne ne pouvait le voir sans qu'il ne ne veuille et il est évidant, qu'il ne voulait pas que l'on le voit ainsi à vouloir semble-t-il rassurer celle qu'il s'évertuait à persécuter comme sa famille l'avait fait.
« Chaque jour je m'enfuyais vers celui qui m'aidait à oublier les horreurs que je subissais. Chaque jour il me demandait ce qui n'allait pas. Chaque jour je lui répondais la même chose, que tout allait bien et qu'il était préférable de profiter du moment présent et de ce que nous pouvions faire ensemble. Il l'ignorait encore, mais il allait me sauver de cet enfer dont j'étais la prisonnière. Il avait compris que je n'étais qu'un objet aux yeux de mes géniteurs, il savait que je lui mentais tous les jours. »
L'esprit frappeur s'était endormi contre la blanche, il n’émettait plus un son, il aurait même pu passé pour mort, s'il ne l'était pas déjà. Il était rarement comme ça, voir jamais à vrai dire. Il était plutôt du genre à toujours avoir son grain de sel à rajouter même quand l'on ne l'avait pas invité de quelques manières que se soient.
« Ce soir là, ils avaient tapé plus fort, cette nuit là, mon pouvoir m'est apparu plus inutile que jamais, je pouvais soigner les autres, mais mes propres blessures ne voulaient pas s'envoler. Je n'avais pas pu partir le matin suivant, mes pattes ne me portaient presque plus. Les heures passaient et je me demandais ce qu'il faisait, sans moi à ses côtés. Je me demandais s'il allait braver les interdits et venir me voir. J'espérais. Beaucoup. Quand tous venaient encore de me passer dessus, me laissant encore plus minable qu'une proie, j'aperçus au loin, vers l'horizon, dans le flou de l'horizon. Il était là, il se tenait devant moi. »
Il ne bougeait plus, seul son souffle parcourait l'échine de la blanche, elle le sentait éveillé, il était debout à côté d'elle, le regard sûrement plongé dans le vide, réfléchissait-il ? Elle ne pouvait pas le savoir, quoiqu'il en soit, il n'était plus si agressif depuis qu'elle l'avait retrouvé. Elle. Elle ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir et de poursuivre son histoire, cette histoire qui était celle de sa vie.
« Son regard cherchait le mien, il voulait me rejoindre mais certains loups lui barraient la route. Ils étaient mes tortionnaires et mes bourreaux. Il serait mon sauveur. Je ne le voyais plus, je ne pouvais pas le distinguer nettement, mon univers n'était que mélange flouté à cause de ces blessures trop grave qui m'infligeaient une douleur me faisant tourner la tête. Il était venu, comprenant que par mon absence, ce cauchemar dont je lui cachais l’existence était arrivé au point d’empiéter sur ma vie réelle. Cette vision maudite qui m'avait suivi jusqu'alors se révélait plus réelle que jamais. Il s'était avancé, les autres voulaient l'arrêter. Il avait sauté et ils avaient attaqués. »
Le loup noir gronda doucement, mais le volume augmentait au fur et à mesure que l'histoire avançait, il n'aimait pas entendre cette partie, s'en était presque douloureux pour lui, du moins s'il avait pu ressentir ne serait-ce qu'un peu de ses anciens sentiments. Il s'était relevé et ne bougeait plus, soufflant avec mépris, montrant ainsi son désaccord quant au fait de raconter leur vie passée.
« Le temps sembla se suspendre en cet instant, mon corps ne refusait plus de me porter, j'avais fait un pas, ma vue était revenue, mais ma tristesse était telle, que je ne pus me résoudre à le laisser partir... Son corps... Il gisait au milieu des autres, il me regardait, arrivant à ramper vers moi dans un ultime effort pour me rejoindre, il m'avait dit alors, ses paroles qui resteront à jamais gravées dans ma mémoire. »
Le loup noir répondit à sa place, il se matérialisa pour la première fois et de sa voix grave habituelle, sortirent des mots, mais sur un ton calme qu'on ne lui soupçonnait pas:
« Je n'ai jamais espéré pouvoir faire mieux pour toi. Je voulais simplement pouvoir te protéger et t'offrir ma vie pour l'éternité. Le temps en a voulu autrement, j'ai choisi de te libérer de tes chaînes. Adieu Yuki. »
« Et tes yeux se sont refermés, emportant avec toi les souvenirs heureux qui m'avaient fait aimer cette vie, j'ai alors pris cette décision, celle qui t'a gardé auprès de moi. Je me suis allongée près de toi et contrairement à ce que tu ne voulais pas, ce que tu m'avais toujours fait promettre, je t'ai soigné, j'ai utilisé mon pouvoir pour te ramener de ce monde dans lequel tu avais fui ma présence. »
Le regard de la blanche s'était retournée vers celui du noir, pour la première fois depuis de longs mois, il avait semblé comprendre qu'elle n'était pas son ennemi. Il l'avait enfin reconnu, dans un moment de clairvoyance oubliée par lui-même, il savait qu'elle était celle qui l'avait maintenu en vie et pas seulement physiquement. Ressentait-il tout l'amour qu'elle lui envoyait sans cesse malgré les blessures qu'il lui infligeait sans en avoir le contrôle ? Elle poursuivit dans son élan et avait bien l'intention de terminer l'histoire qu'elle avait commencé, car d'après elle, la créature qui lui faisait face, avait tous les droits du monde de connaître la vérité.
« Je restais ainsi durant la nuit qui suivit, puis une journée encore et ton corps ne semblait pas disparaître, pourtant je le sentais devenir froid à mon contact, j'avais peur. Peur de le voir m'abandonner à un autre monde. »
« Alors tu as prié. »
Kiba complétait l'histoire et donnait ainsi de la portée à celle-ci, il semblait fixer quelque chose au loin quand ses paroles interrompaient le cours des dires de Yuki, il n'était pas réellement là mais parfois son esprit revenait.
« Elle m'est apparue, quand mon corps semblait vouloir te rejoindre et ce à force de tenter le tout pour le tout, même si cela paraissait perdu d'avance. C'est alors... Que je l'ai vue. Oui. J'ai vu la mort, je l'ai vu comme je te vois. Au début j'ai cru que ce n'était qu'un rêve. Elle m'a demandé ce que je désirais le plus entre ta vie et la mienne. »
La blanche fit une légère pause, continuant à regarder Kiba dans les yeux même si celui-ci ne semblait plus la voir pour le moment, elle reprit doucement, même si l'émotion engendrée par son histoire la submergeait presque. Mais peut-être avait-il senti son désespoir, alors il parla sans omettre de fixer le lointain.
« Elle est apparue, comme un fantôme, si présente mais inaccessible au commun des mortels. Rakuen. »
« Elle s'est présentée à nous, ou du moins à moi, car tu n'étais plus en mesure de vivre. Elle attendait une réponse. Alors oui, j'ai répondu que je ne pouvais vivre sans toi, que je n'avais jamais rien voulu d'autre et qu'une vie sans toi était pire que de mourir ici. »
Le corps du noir s'était rapproché de la blanche mais celui-ci commençait à vaciller doucement de gauche à droite, comme bercé par les paroles qu'il connaissait par cœur à force de se les remémorer. Il s'était attaché à un de ses seuls souvenirs même s'il n'était pas très glorieux, il s'y rattachait malgré lui.
« C'est après un silence qui me sembla une éternité, que la louve blanche osa enfin bouger et comme pour nous montrer une certaine forme de pitié, elle se pencha sur ton corps, je ne pus m'empêcher de grogner mais ces grognements cessèrent presque instantanément quand ton corps sembla briller à son contact, tu avais semblé bouger. Mais ce qui suivi les raviva, ils avaient même augmenté en volume, elle ne t'avait pas réveillé comme je le pensais, elle avait simplement aspiré ton âme, laissant ton enveloppe retomber lourdement contre moi, mon poil s'est hérissé, mes pattes m'ont écouté, portée par la rage je m'approchais de celle qui me semblait être un démon, puisqu'elle m'avait pris celui que j'aimais. »
Là c'est elle qui fit une pause, elle n'entendait plus le noir et s'en inquiéterait presque, elle rapporta son attention auprès de son interlocuteur, soupirant un coup comme pour extérioriser sa nervosité. C'était la première fois qu'elle racontait l'intégralité de sa vie à un loup vivant, elle avait toujours tout gardé pour elle et se rendait compte qu'il était temps de partager son expérience.
« J'ai alors compris que tu étais mort, que ton corps n'était plus l'hôte de ton âme et que je ne te reverrais plus, tout dans mon esprit se brisa en un million de petits morceaux, j'avais enfin eu ce déclic. Elle me fixait toujours, mon corps s'était remis à la normale de lui-même et je ne voyais plus que ce corps gisant à mes pattes, je ne la voyais plus ou du moins n'avait-elle plus d'importance à mes yeux. »
Dans son esprit la scène se rejouait, inlassablement à chaque fois qu'elle se remémorait cette histoire, elle replongeait sans le vouloir dans les tréfonds de ce désespoir qu'elle avait connu par le passé, malgré tous ses efforts, elle n'avait pas pu avancer autant qu'elle le voulait, malgré tout cela, elle n'avait pu oublier réellement son désespoir.
« Elle s'approcha de moi, mais je ne la voyais plus, elle avait perdu le peu d'importance qu'elle avait eu jusqu'à présent, du moins à mes yeux. La brume qui était apparue autour de nous ne m'avait pas interpellé, pas plus que ce qu'elle commençait à partir en reculant, elle semblait fuir suite à son intervention désastreuse. Mon esprit se raviva en une fraction de seconde : elle l'avait tué, ils l'avaient tué, ils étaient tous responsables de sa mort... Alors je serais la cause de la leur... C'est du moins ce que j'avais pensé en voyant le Démon immaculé s'enfuir en trottinant, j'allais m'élancer, j'allais bondir. »
Yuki enchaînait l'histoire un peu plus rapidement, comme si elle avait une certaine peur d'être interrompue maintenant qu'elle s'était lancée à corps perdu dans le récit le plus douloureux de toute sa vie. Kiba était présent, maintenant invisible au commun des mortels il fixait la blanche, il ne disait rien, l'on aurait pu croire qu'il était redevenu normal, car aujourd'hui sa faim semblait s'être calmé, sa haine semblait avoir disparu, pour le moment du moins.
« J'allais me heurter à quelque chose, j'avais fermé les yeux avant que le choc n'intervienne, mais je n'avais rien senti d'autre que le sol, la poussière qui est entrée dans ma gueule en était la preuve. Je me suis relevée avec difficulté, je ne comprenais pas ce qui venait de se passer et la brume était devenue plus opaque... Si bien que je n'y voyais plus rien à moins de trois mètres. J'avais presque peur, je ne savais pas où j'étais et il m'avait semblé le reconnaître... Il me semblait que mon esprit me jouait des tours... Je me mettais à le voir de partout. Alors j'ai fermé les yeux, une nouvelle fois, m'attendant à voir disparaître la brume en les rouvrant. »
Le noir se matérialisa d'un seul coup, il fixa la blanche en face de lui, celle qui n'était pas Yuki. Il s'adressa à elle, directement, le regard confiant et nu de toute agressivité. Il avait repris ses esprits, il avait réussi à rejoindre sa belle sur la voie de la raison. Alors il ajouta, calmement.
« Quel n'a pas été le choc quand tes yeux ont rencontré les miens. Tu avais cru mort celui que tu aimais, mais pourtant il se trouvait là, en face de toi. Une chose avait changé, une seule. Notre regard n'avait pas fait que se croiser. Tu t'es évanouie. »
« Des heures sont passées et tu ne me quittais pas, mais ça je l'ignorais, puisque je n'avais plus conscience de rien... J'ai simplement rêvé, que je te retrouvais comme tous les jours... Que nous étions heureux de nous être trouvés... Que ne nous ne serions jamais séparés... Pourtant, le lendemain, ils avaient tapé plus fort... Et... Non... Je me suis réveillée, sursautant, ce n'était pas qu'un rêve, c'était la réalité et mon rêve me rappelait à celle-ci... Je n'en avais pas besoin mais il en fut ainsi. Je me calmais, fermant les yeux pour reprendre mon souffle, je me sentais bizarre : mon ressenti sur ce que je touchais était différent me semblait-il... Était-ce parce que je n'étais plus en vie... Je ne savais pas. »
Il fixait maintenant les yeux bicolores de sa promise, c'était maintenant le sujet qu'il allait aborder, il se devait de poursuivre pour elle, il se devait de lui montrer qu'il n'était pas tout à fait mort ce jour là, que s'il avait survécu c'était grâce à elle.
« Et tu as ouvert les yeux sur notre avenir, tu as vu ce à quoi tu rêvais chaque seconde depuis que tu avais vu mon corps inerte allongé sur le sol. Tu m'as détaillé d'un regard nouveau, puis tu t'es approchée lentement, n'osant pas y croire de peur de me perdre une seconde fois. »
« Dans tes yeux, j'ai arrêté les miens, nous nous sommes confrontés en silence, nous interrogeant mutuellement sur la cause de tout ceci. Pourtant, dans tes yeux, je n'arrivais à trouver nulle réponse, juste plus d'interrogations auxquelles je ne pouvais me soustraire. Je remarquais alors la couleur de tes yeux, bien que ma mémoire ne soit altérée, je savais que quelque chose clochait avec eux. Puis les images me revinrent... Comme floutées par mon esprit encore endolori, j'avais peur de me tromper, mais il me semblait que les couleurs n'étaient pas double... Puis cela me revint clairement ! Tes yeux étaient de la couleur des lys que l'on pouvait trouver non loin de l'endroit où je te retrouvais chaque jour. Les miens était la même qu'un ciel sans nuages. Maintenant. Elles ne formaient plus qu'un dans ton iris. »
Elle fit une légère pause, oui, encore une, car raconter les moindres détails d'une vie longtemps cachée de tous n'était pas chose aisée, bien au contraire, chaque parole était comme du plomb voulant s'extraire à son geôlier.
« Nous ne le savions pas, mais le temps nous était compté, ce temps que nous passions à nous regarder était le dernier où tu avais assez de lucidité pour savoir que je n'étais pas une ennemie. Ce temps qu'elle nous avait octroyé était son dernier cadeau avant que nous ne prenions véritablement conscience de l'envergure de sa malédiction... »
« Tes yeux s'étaient ouverts sur un nouveau monde, mais les miens semblaient se refermer rapidement sur celui-ci, m'ouvrant la porte du néant infini. Ta bouche ne s'ouvrait pas, mais ton regard parlait de lui-même : j'avais changé. De cette constatation, une haine fulgurante s'empara des derniers instants de vision accordé par Rakuen. Un autre semblait avoir pris le dessus, une bête à l'instinct primitif qui me terrifiait et semblait vouloir me happer dans ses ténèbres. Pourtant, je résistais, je ne voulais pas disparaître et je suis heureux d'avoir lutté, ne serait-ce que pour avoir eu le bonheur de revoir ton sourire aujourd'hui. »
La blanche sentit qu'il n'aimait pas se remémorer ainsi cette partie de l'histoire, c'était une des seules choses dont il ne lui avait jamais parlé, même en la brutalisant il avait gardé tout ça enfoui au plus profond de lui, attendant son heure pour conclure cette douleur avec elle.
« Dés lors où tu as été entraîné dans ses ténèbres, tu n'as plus pu me voir, mais autre chose planait sur moi chaque instant, cette bête féroce n'avait qu'une idée en tête, elle n'avait qu'une idée en son âme, elle ne voulait qu'une chose : chasser. Au début elle voulut chasser des proies « normales » pour un loup, des lapins, des loutres, des cerfs... Puis en très peu de temps, il s'avéra que ce n'était jamais assez, qu'à chaque jour suffisait sa tuerie et ça, je ne le supportais pas. »
« Je ne me contrôlais plus, je n'étais plus aux commandes de mon propre corps.. Non, ce n'était pas un corps, c'était plutôt une forme d'esprit fantomatique qui me permettait de ne pas quitter ton monde. Elle m'avait offert un substitue médiocre mais qui, je l'espérais serait temporaire, mais ça, c'était une chimère à laquelle je me rattachais... Comment aurais-je pu revenir du monde auquel on m'avait arraché... Comment ai-je pu penser une seule seconde que je pourrais encore te consoler quand ça n'allait pas... Comment pouvais-je me douter que la pire de tes souffrances serait de m'avoir à tes côtés pour l'éternité. »
« Mais ça, tu ne pouvais le savoir, en aucun cas, nous n'aurions pu prévoir que nos vies prendraient cette tournure. Je ne t'en veux pas et ne t'en ai jamais voulu, tu as été et resteras la force dont je ne pouvais faire preuve en ton absence. Qu'importe les souffrances, je ne saurais t'abandonner. »
Elle se retourna, de peur de rendre mal à l'aise celle qui leur faisait face, celle dont ils n'avaient eu d'autre choix que de l'abandonner à son propre sort... Celle qu'il avait plus que tout désiré de son vivant, celle qu'il n'avait cessé de vouloir tuer depuis sa tombe, celle-ci se tenait devant eux, dans toute la splendeur dont elle avait hérité. Son regard venait de ses parents, sa pelisse de sa génitrice... Tout en elle, en était le portrait craché. Et c'est cela qui...
« Suite à ton endormissement dans le corps de la bête, tu ne cessais de me harceler, aussi bien le jour que la nuit. Tu voulais chasser, encore et encore. Quand je n'écoutais pas tes menaces, tu me faisais souffrir, je ne sais comment mais un lien nous permettait de nous sentir physiquement. Et pour la première fois, je regrettais presque de pouvoir sentir ton contact contre mon corps. Quand je voulais utiliser mon pouvoir, le pire était à venir, la première fois, j'ai tenté de soigner un autre loup et la douleur que tu m'envoyas était telle, que je ne pue continuer, la déchirure dans mon échine manqua de me paralyser. »
« Pour la bête, tu l'avais privé d'une proie facile et sa colère n'était que plus grande, elle se vengea et remarqua que cela t'affectait... Alors elle recommença à chaque fois que tu désobéissais à l'un de ses désirs. »
Elle allait maintenant attaquer la partie la concernant, la partie la plus importante à ses yeux, la blanche allait lui conter sa naissance et comment deux êtres n'étant plus dans le même monde avaient pu désirer et aimer cette fille qu'ils avaient eu le malheur de perdre pendant longtemps.
« Quelques semaines passèrent et je m'habituais progressivement à cette nouvelle vie que Rakuen nous avait forcé à adopter. Mais ce que nous ne savions pas, ni l'un, ni l'autre, c'est que la vie n'était pas seulement pour nous deux, mais aussi qu'elle grandissait en moi. Quelques autres semaines suivirent et lentement je me rendais compte que nous n'étions plus seuls, un poids s'était rajouté dans mon ventre et alourdissait ma progression et la bête ne savait que faire. Je mis bas quelques jours plus tard, une seule boule de poil sortie ce jour là. »
« La bête l'ignora, pensant sûrement qu'elle n'était qu'un misérable amuse-gueule dont elle pouvait se passer, alors elle ne dit rien et ne réagit pas plus quand tu passas ta langue sur la petite qui ne voyait encore rien. »
Elle parlait bien évidemment d'elle, celle qui ne parlait pas en face d'eux, celle qui les écoutait sans broncher depuis le début de l'histoire, celle qui avait souffert plus que quiconque de ce malheur qui ne cessait de s'abattre sur sa famille.
« Tu as commencé à grandir, tu as fini par ouvrir les yeux, ensuite tu as appris à marcher, non sans chutes de ta part, mais tu y es arrivée à faire tout ça, j'étais là, tout le temps, pour veiller sur toi ! Tu étais la plus jolie à mes yeux, la plus belle chose qui me soit arrivée aussi... Mais c'est quand tu as commencé à vouloir faire tes premiers pas seule, que tout a basculé. »
« Elle n'a plus voulu me lâcher, la bête a pris le contrôle et dans un accès de fureur, elle a réussi à rendre notre corps tangible... Vivant... Le bonheur que ressentait Yuki l'avait rendu jalouse pendant les trois longs mois où elle n'avait quasiment rien dit. Elle attendait patiemment son heure, elle voulut te tuer. Tu ne me voyais pas pour la première fois, ma fille, tu avais pu m'apercevoir bon nombre de fois, vacillant aux côtés de ta mère, mais tu n'aurais jamais imaginé, à ton âge, que les démons existaient véritablement... »
« Tes crocs allaient se refermer sur elle, ta mâchoire voulait goûter au goût de ce sang qui coulait dans tes propres veines, mais je ne t'ai pas laissé faire, oh que non, j'ai sauté, prenant un dernier élan... »
L'action était tellement raconté avec ferveur, que l'on aurait pu croire que les deux parlaient de concert, ils l'avaient ressassé tant de fois, aussi bien l'un que l'autre, que désormais, tout devenait si réel à leurs yeux, que n'importe quoi pouvait arriver, ils ne se rendraient compte que de l'absence de leur fille, si celle ci disparaissait encore une fois.
« En effet, mes crocs se refermèrent, mais pas sur la chaire tant escomptée, ma mâchoire se referma sur ta propre échine, ton sang ruisselait dans ma gueule, mais déjà, quelque chose sembla convulser dans mon corps, elle ne devait donc pas goûter à ton sang... »
« J'ai crains pour ta vie durant les quelques jours qui suivirent... Et la décision que je pris ensuite fut la pire de toutes celles que j'avais du prendre au cours de mon existence... Je cherchais frénétiquement une grotte... Je trouvais mon bonheur, auprès d'un grand arbre. Je t'ai dit d'aller à l'intérieur... Que tout irait bien... »
Elle fit une pause, ce qu'elle avait fait été impardonnable et encore aujourd'hui elle se demandait comment faisait la chaire de sa chaire pour rester ainsi, à écouter ce récit odieux duquel elle était le personnage principal...
« Mais ce jour là je t'ai menti... Je t'ai laissé là, ne revenant jamais... J'ai prié pour que rien ne t'arrive, j'ai hurlé au ciel ma souffrance, j'avais perdu celui que j'aimais le plus sur cette terre et en plus j'avais du abandonner celle qui était devenue ma raison de vivre. »
« Tu n'avais pas simplement peur... Tu étais terrorisée à l'idée que je lui fasse du mal, tu t'en es tellement voulue, tu n'as fait que vouloir retourner la chercher, ton esprit était tiraillé entre deux. Mais je n'ai fait que te tourmenter encore plus, les morsures, tout te criait de retourner la dévorer, mais tu as tenu bon. Tu n'as pas voulu retourner risquer de la tuer, tu espérais secrètement qu'elle survive sans toi... »
« Depuis ce jour, celui où j'avais perdu une autre partie de mon âme. Depuis celui-ci, j'avais décidé d'abandonner ce nom, celui que m'avait donné ceux que j'ai détesté jusqu'au bout. Nous ne serions plus Kiba et Yuki. Nous serions une seule et même entité. »
« Nous serions les esprits maudits par la mort. Nous ne serions plus qu'un, nous serions... Kindred. »
Elle s'était tue après ce long récit. Ses larmes roulaient sur ses joues immaculées, tombant lourdement sur le sol. C'était si douloureux pendant toute la longueur de celui-ci, mais maintenant elle se sentait presque libérée. Cependant, le plus dur restait à venir, elle devait maintenant faire face à cette fille qu'elle n'avait jamais voulu laisser, mais qu'elle avait tout de même arraché à sa poitrine... Elle l'avait tant désiré, elle avait voulu que cette preuve de leur amour reste pour toujours, mais le destin en avait décidé autrement.
La blanche n'osait s'approcher, ni n'osait faire un mouvement quel qu'il soit de peur de briser ce moment qu'ils avaient partagé sans vraiment le prévoir. Yuki était si heureuse d'avoir retrouvé Kiba pendant une courte durée, elle se demandait si c'était le fait d'avoir revu la chair de sa chair ou simplement parce que sa douce avait refusé de lui obéir catégoriquement. L'on ne le saura jamais.
« Lunaire... ? »
Elle pencha la tête, légèrement sur le côté, se demandant si tout allait bien, elle voulait tout faire mais s'empêchait de faire quoique se soit pour ne pas la faire souffrir d'avantage.
« Je continuerai à t'aimer quoiqu'il arrive, jusqu'à ce que la mort m'emporte. Même si tu décides de ne plus jamais nous revoir. »
Yuki se leva, fit un pas vers elle, puis se ravisa dans le même mouvement, elle tourna la tête vers le sol, légèrement de côté et laissa couler le reste de son chagrin.
Songe d'une nuit d'été. // Lunaire
Kindred
Lunaire
Bêta
Feux Follets : 544
Lun 10 Fév - 15:53
Lunaire s'assied. Elle enroule doucement sa queue autour de ses pattes, volant aux sphinx leur indifférence ; il lui faut au moins ça pour supporter le récit qui l'attend. Elle essaie de préserver le masque de dignité qui lui colle à la peau, de ne pas s'effondrer. Une cascade de paroles s'écroule, s'évapore même de la bouche noirâtre de la louve blanche qui a, un jour, été appelée « maman ».
Des paroles que Lunaire ne comprend pas forcément. Comme prévu, en réalité. Sa mère a vécu les choses à sa manière, Lunaire aussi. Elle ne peut pas tirer un trait sur le passé seulement parce que leurs chemins se sont recroisés. Elle laisse le silence se réinstaller. Elle ne sait pas quoi répondre, pas quoi dire. Elle ne veut pas s'abandonner à la méchanceté ; ce n'est pas nécessaire de blesser quelqu'un qui l'a déjà été trop souvent ; néanmoins, Lunaire ne veut pas fléchir trop facilement non plus. Elle soupire.
Ses yeux croisent à nouveau ceux de sa mère alors que ses lèvres forment les syllabes qui composent son prénom. Il résonne bizarrement, là, à ce moment précis. Elle inspire, ravale la bouffée de nostalgie qui lui étreint le cœur. Pas question de se laisser aller. Pas question de permettre à ses sentiments de filtrer. Il lui faudra du temps pour se montrer à nouveau vulnérable face à ces deux personnes-là.
N'étant cependant pas insensible, Lunaire décide de faire les derniers pas que sa mère ne paraît pas capable d'esquisser. Elle se rassied face à elle, si proche que son souffle réchauffe ses joues. Elle appuie son front contre l'épaule de la louve plus âgée, respire son parfum familier avant de remettre un peu de distance entre elles. Elle ne peut pas donner plus. Pour le moment.
- J'ai besoin de réfléchir. C'est trop inattendu, je ne peux pas donner de réponse pour le moment. Je sais seulement que je ne quitterai pas Yuubae, j'ai besoin d'eux. Mais je suis d'accord pour qu'on se revoie. En Terres Neutres, pour le moment.
Ouais, c'est le plus sage. Lunaire soupire à nouveau, puis lance une œillade dans son sillage. Le temps passe, il est plus que l'heure de retrouver ses proches. Ses responsabilités l'attendent.
- Je dois y aller. On se reverra sûrement bientôt. Prends soin de toi, en attendant.
Lunaire
Kindred
Mercenaire
Feux Follets : 64
Lun 17 Fév - 19:33
L'angoisse qui lui tiraillait les entrailles ne la lâchait pas, elle savait qu'elle n'aurait pas de seconde chance. Ses oreilles sifflaient, ne voulant pas la laisser tranquille, dans le calme qui aurait pu la sauver de cet enfer qu'elle s'était créée pour se protéger de la dure réalité qu'elle ne pouvait accepter malgré elle. Soudain une cloche sonne et le silence revient, tout le brouhaha semble s'être envolé. Elle veut la revoir. L'enfer laisse place à un paradis abstrait, paradis illusoire qu'elle préfère trouver devant ses yeux plutôt que dans les tréfonds d'une souffrance qu'elle aura voulu camoufler. Elle ne peut quitter sa meute. Yuki la comprend, elle aimerait lui dire qu'elle ne lui demandera jamais, mais tout reste bloqué dans sa gorge, intimement lié à son manque de confiance en elle.
« Alors je t'attendrais. Pense à toi et à ta meute. Ils te méritent plus que moi pour le moment. »
Un doux sourire se dessina sur sa face, elle regarda sa douce fille s'en aller comme si s'était elle qui, quelques années plus tôt, la laissait en lui promettant de ne pas trop tarder. Elle savait que rien ne pourrait réparer ce qu'elle avait fait, qu'elle l'aime plus que tout importait peu après tout, seuls les actes parlent d'eux-mêmes.
Quand elle fut partie, elle se parla à elle-même, dans un murmure, elle ne savait pas qu'il pouvait l'écouter, elle n'avait plus l'habitude de l'entendre, plus l'envie de croire en autre chose que ce que Lunaire venait de lui dire, pourtant, elle l'aimait et le chérirait jusqu'à la mort.
« Et si la réponse était... »
« Tu veux la rejoindre ? »
Yuki releva alors la tête, son regard rejoint celui de son compagnon, il lui semblait avoir entendu cette voix qu'il avait par le passé, quand il complétait ses phrases pour la faire rire aux éclats et alléger la peine qui était sienne. Les larmes montèrent alors qu'il semblait plus réel que jamais, ses yeux n'avaient aucune haine, sa posture semblait calme. Il lui sembla même qu'il avait esquissé un sourire. C'est à cet instant, qu'elle comprit, que si le soleil emportait loin sa lumière, la blanche aurait toujours la sienne qui continuerait de briller pour lui rappeler à quel point elle pouvait être vivante. Elle inspira un grand coup, emportant l'air jusqu'à ses poumons. Elle frissonna quand elle le sentir tout contre elle. Il était là, depuis combien de temps avait-elle espéré... ?
Les larmes. Ses larmes. Elle ne parvenait à les retenir, mélange étrange entre le bonheur profond et la tristesse de la laisser à nouveau partir loin de son cœur. Elle allait devoir attendre, mais qu'était un jour de plus dans des années d'absence ? Certainement rien de plus qu'une minute qui s'enfuit au loin. Elle fit alors demi-tour, prenant un chemin différent de celui qu'ils avaient suivi en venant. Lui ? Il marchait à ses côtés, complètement conscient de ce qu'il faisait.