Ces temps-ci, je ne fais qu’enchaîner les missions. Après le grand Nord et l’Est, je suis allée un peu partout dans le territoire neutre, m’éloignant des Yuubae mais me rapprochant de certains de mes contacts. Je n’ai rien appris de très intéressant pendant ce temps mais j’ose espérer que ces aller et venues me permettent d’améliorer mes techniques d’espionnage. Comme je l’ai appris récemment avec Laliona, on peut avoir eu le meilleur mentor du monde, seule l’expérience permet à un espion de s’améliorer.

Ça doit être vrai pour les autres fonctions d’ailleurs. Plus il chasse, meilleur est le chasseur etc.

Mes alphas ne me reprochent pas mes nombreuses missions en territoire neutre. C’est bien à ça que sert un espion de toute façon. Par contre, ils commencent à s’inquiéter de mon état de santé. Quand je dis « Ils », comprenez surtout mon père qui m’a clairement demandé d’aller voir notre guérisseuse.

Voilà pourquoi je me retrouve à marcher dans la forêt des damnés en direction de la tanière de Tomoe. Cet endroit est franchement agréable. Il fait bon, l’air est frais, l’eau est abondante. Je comprends pourquoi elle a choisi de s’établir ici. Elle a la place nécessaire à son travail au sein de la meute. Ikhaïl va m’en vouloir d’être venu ici et pas chez lui mais Tomoe est plus âgée et donc plus expérimentée. Je sais que ça rassurera mes parents que j’aille la voir, elle, plutôt que mon frère.

Je ne suis pas blessée mais j’avoue commencer à fatiguer après tous ces voyages. Tomoe me demanderas sans doute seulement de me reposer mais on ne pourra pas dire que je ne suis pas allée voir la guérisseuse.

J’arrive devant la tanière et m’assoie, ne sachant pas si j’ai le droit d’entrer.

— Tomoe, c’est Lumen. Tu es là ?

J’espère qu’elle n’est pas partie chercher des plantes sinon je suis bonne pour attendre un certain temps.

C’est avec une joie non dissimulée que je vois Tomoe sortir de sa tanière et me demander ce qui m’amène. Au fond, ça ne me dérange pas de venir voir la guérisseuse. Elle a toujours été très gentille avec moi et j’ose espérer que ce n’est pas seulement parce que je suis la fille des alphas.

— Il n’y a rien de grave, ne t’en fais pas. Mon père voudrait que tu m’ausculte. Après de nombreuses missions en terrain neutre, il préfère que tu vérifies mon état de santé.

Dis comme ça, ça fait vraiment papa-poule mais Kayraz l’a toujours été. Même maintenant que je ne suis plus une enfant, il continu d’être derrière moi. Au moins, c’est une preuve certaine d’affection.

Je reprends à l’intention de Tomoe, me rendant soudain compte que la guérisseuse a peut-être autre chose à faire que de s’occuper de mes maux inexistants.

— J’espère que je ne te dérange pas au moins. Si besoin, je peux repasser plus tard.

Je n’y connais pas grand-chose mais je crois que les guérisseurs font leur inventaire en cette période. D’après Ikhaïl, c’est long et fastidieux. A la place de Tomoe, je n’aimerai pas qu’on me dérange à ce moment-là.

Heureuse d’entendre que je ne dérange pas, je me permet d’entrer dans la confortable tanière de Tomoe. Contrairement à celle d’Ikhaïl où tous les vents de la terre semblaient s’être rencontrés, celle-ci est très bien rangée. Les plantes sont disposées d’un côté, sûrement dans un certain ordre, que je ne connais pas. Mon frère est peut-être débutant mais il ferait mieux de prendre exemple sur ses aînés.

Tomoe m’ausculte de la tête au pied et finit par me rapporter des feuilles qu’elle dit être de la menthe. J’avoue ne pas y connaître grand-chose en plantes mais lui fait confiance à 100%.

Deux jours de pause et des feuilles contre les courbatures. Je m’en sors bien, on dirait. Je pourrais peut-être profiter de ces deux jours pour aider mon frère à ranger sa tanière, d’ailleurs. Il en a bien besoin.

— Merci beaucoup Tomoe. Ne t’en fais pas, je suivrai tes conseils.

D’ailleurs, en parlant de conseils. Je pourrais peut-être lui en demander un avant de partir.

— Pendant que je suis là, je me permet de te demander quelque chose. Ta tanière est si soignée, tu crois que tu pourrais donner des conseils de rangement à Ikhaïl ? Je crois qu’il est en plein inventaire et j’ai peur qu’il ne s’en sorte pas. Il n’est déjà plus possible de mettre une patte devant l’autre chez lui. Si, ça ne te dérange pas, bien sûr.

J’hochais la tête devant les explications de la guérisseuse. Je ne voulais pas que Tomoe fasse le travail d’Ikhaïl à sa place. Chaque loup doit apprendre par lui-même. Notre mentor nous apprend les bases mais nos méthodes de travail dépendent de nos particularités et de notre personnalité. Ça vaut pour tous les domaines.

Néanmoins, il y a un moment où il faut savoir reconnaître qu’on a besoin d’un petit coup de patte ou même d’un simple conseil. Je m’en suis rendue compte lors de ma mission en compagnie de Laliona. On a beau avoir finit son apprentissage, on a toujours des choses à apprendre.

— Merci Tomoe. Ne fait rien qui t’embête surtout. Un ou deux conseils suffiront. Il ne faudrait pas que mon frère se repose sur toi et devienne fainéant.

Sur ce, je ramasse les feuilles de menthe, bouge gaiement ma queue de gauche à droite en guise d’au revoir et sors de la tanière. Et si je me promenais un peu avant de rentrer ?