Si Lunaire doutait, Impera chassa son anxiété avec un simple sourire. Il était immense, doux, chaleureux. La Veilleuse ronronna intérieurement ; la bonne humeur de la guérisseuse était communicative. L’esprit plus serein, la plus âgée lâcha un rire en voyant l’autre s’engouffrer dans sa caverne à la recherche de ses précieuses denrées. Lunaire s’asseyait sagement, lançant un regard amusé au jeune apprenti. Irysviel était minutieux dans ses gestes. Elle préféra ne pas l’embêter pour ne pas le déconcentrer.

Elles s’éloignèrent finalement vers la cascade. Tout était très calme. Leurs congénères devaient être occupés au camp ou disséminés dans les environs ; si bien que les muscles de Lunaire se dénouèrent. Le poids sur ses épaules s’évapora. Personne ne serait blessé si son pouvoir perdait pied.
Elle prêta l’oreille aux paroles de la louve au pelage coloré. Un sourire mutin perla sur ses lèvres noires, les yeux plissés dans une expression rieuse.

- Merci d’avoir proposé de m’aider.

La Veilleuse se laissa guider par la guérisseuse. Elle hochait la tête parfois pour donner son assentiment. Son ventre était serré. Elle allait donc devoir solliciter son don… Elle inspira profondément. Elle s’approcha d’un pas hésitant vers la cascade. L’eau se fracassait durement à la surface.

- OK. Allons-y. Ça ne peut pas être aussi horrible que ça.

Lunaire murmurait pour se donner du courage. Elle entra dans l’eau glacée. Elle avait beaucoup fraîchi depuis la disparition de l’été. Elle retenait son souffle, le sifflant par à-coups courts. La morsure du froid raidissait ses muscles, entrait dans ses os. Elle lança un regard à Impera par-dessus son épaule.

- Tu devrais t’éloigner un peu. Dix mètres au moins. Je ne risque rien, normalement, donc n’interviens pas avant que j’aie perdu connaissance si c’est nécessaire. Si je reviens vers la berge pour une raison ou une autre, il faudra que tu recules. Fais-le pour moi. S’il te plaît.

La gorge nouée, la Veilleuse se coula sous l’eau. Elle lui fracassa aussitôt la colonne vertébrale. Les minutes s’écoulèrent, son dos n’appréciait pas l’exercice. Lunaire ferma les yeux, les lèvres agitées de tremblements. Le pouvoir n'était pas là. Pas encore.

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'Dé pouvoir Plume' :

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'Dé pouvoir Plume' :

Lunaire regardait l’horizon avec anxiété. Comme quelqu’un qui avait peur de voir le jour finir ou la nuit démarrer. Comme quelqu’un qui flippait à l’idée d’échouer, de faire une erreur, de le payer après. Elle ne voulait plus avoir de regrets ou craindre sans cesse le pire pour ses alliés.
L’eau sur ses côtes lui rappelait la douleur subie par Impera à cause du pouvoir. Elle était là pour ça : pour que l’horreur ne recommence plus jamais. Elle chercha son odeur psychique, à ce pouvoir-là. Il laissait souvent des sillons dans son corps quand il bougeait, quand il s’animait. Mais il n’y avait rien. Rien du tout. Il dormait profondément, indifférent au martèlement sur sa peau.

Probablement parce que cela manquait de peur, d’effroi, de dégoût, de frayeur. Mais la Veilleuse ne savait pas se tromper, se duper, se croire en danger alors que rien ne la menaçait. Elle continua cependant. Butée. Obstinée. Elle perçut vaguement les mots de la guérisseuse, hocha la tête sans vraiment faire attention. Il ne se passa rien. Au bout de quelques minutes, Lunaire — dont les muscles étaient entièrement engourdis — décida de couper court à l’expérience en sortant de l’eau.

- Elle est trop froide. Mon cœur commence à ralentir. Il faudrait trouver autre chose… C’est si énervant !

La Veilleuse était réellement en colère contre elle-même. Pourquoi était-elle si incapable ?

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'Dé pouvoir Plume' :

Lunaire poussa un soupir désabusé. Elle commençait à croire qu'elles essayaient en vain, que son pouvoir n'était pas de ces choses faciles qu'on pouvait espérer contrôler un jour. Probablement. Son cœur se serra. S'il était réellement voué à rester indépendant de sa volonté, la Veilleuse devrait sûrement envisager de partir. Elle n'en avait pas envie, bien sûr, mais ses proches seraient en danger. Spécialement si une guerre venait à éclater ; car oui, qui pouvait être sûr que son pouvoir s'en prendrait à ses ennemis mais pas à ses alliés ? Personne. Il ne faisait pas la différence.

Elle leva les yeux vers le ciel, puis laissa ses paupières recouvrir sa peine. Ses yeux bicolores étaient chargés de culpabilité, de souffrance. Elle ne supportait plus l'idée de pouvoir blesser quelqu'un comme Impera l'avait été. Il n'était pas question de se faire haïr par sa meute, par sa famille de cœur. Aussi, Lunaire prêta une oreille attentive aux nouvelles propositions. Elle songea à refuser, jugeant à quel point il était dangereux de faire des essais pareils.
Impera pouvait échouer, ne pas réussir à la ramener dans le monde des vivants. Un nouveau soupir.

- D'accord. On va essayer.

Pour son avenir.
Elle donna un peu de temps à la guérisseuse pour que celle-ci récupère les ressources dont elles avaient besoin. Durant ces quelques minutes, Lunaire se força à la méditation. Elle plongea dans un état second, recherché si souvent par Menhit quand il la guidait vers l'apaisement.
Elle devait chasser ses peurs, oublier l'abandon de ses parents, ne se souvenir de rien — même pas de son nom. Au retour de la femelle aux poils colorés, la Veilleuse était complètement déconnectée de son environnement. Elle avala la plante avec une pointe d'appréhension. Les secondes passèrent doucement. Encore, encore. Son cœur s'emballa finalement à cause des toxines. Elle ferma les yeux pour ne pas avoir peur, se concentrant seulement sur ce qui devait être fait.

Lunaire s'écarta brusquement de la guérisseuse. Elle commença à courir de plus en plus vite. Le pouvoir était là. Elle le sentait se réveiller. Il n'aimait pas son état. Il cherchait une proie en rampant alors que la Veilleuse fuyait le monde connu. Elle remarqua une petite cavité à proximité, s'engouffra dedans sans même la sonder d'abord, se recroquevilla contre un mur gelé. Son corps tremblait tout entier, le souffle court.

Le pouvoir était là et Lunaire ne se rappelait plus des raisons qui l'avaient poussé à le réveiller.

[N'ayant plus le niveau de pouvoir adéquat au dé Plume, je me permets de faire sans. :3]

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'Dé pouvoir Plume' :

Lunaire releva une paupière pour découvrir Impera à l'entrée de la caverne. Une boule d'anxiété se forma dans son ventre ; si la guérisseuse approchait plus, le pouvoir pourrait la sentir. Il rampait doucement dans les environs, cherchant une proie à la manière d'une araignée. Il se promenait sur des fils invisibles, sensible aux hurlements des cœurs vivants. La Veilleuse se replia un peu plus, rentrant la tête dans les épaules. Son souffle était court. Son pouls palpitait dans ses veines, comme s'il se répercutait dans chacun de ses muscles. Elle le sentait dans ses tempes, sous son crâne, dans ses pattes, dans son bide, dans son dos... Ce n'était pas « douloureux » à proprement parlé. C'était une sensation difficile à décrire, un malaise proche de la surface. Comme si le vide allait bientôt s'emparer d'elle mais sans y parvenir vraiment.

Les larmes coulaient sur ses joues. Impera lui parlait gentiment, essayant de la rassurer. Lunaire n'y prêta d'abord que peu d'attention, puis se concentra sur les inflexions chaleureuses de la voix. Elle était son « amie », après tout. Presque. C'était toujours mieux que d'être complètement seule dans un moment aussi pénible. Elle essaya de suivre les indications de la guérisseuse, de chercher le pouvoir dans son corps. Il était là. Elle pouvait sentir son tissage opalescent qui l'entourait ; un ouvrage bizarre sur lequel le pouvoir se déplaçait au hasard à la recherche d'une âme à torturer. Il n'était pas malveillant. La Veilleuse ne sentait rien de méchant dans ce qu'il dégageait. Seulement une volonté implacable de vivre, de respirer envers et contre tout. Sa volonté à elle. Elle sembla le comprendre à ce moment. Son pouvoir avait, en réalité, vu plus ou moins le jour à son abandon par sa mère. Il s'était réveillé dans ses artères pour la protéger de ce qui était susceptible de lui faire du mal.

Néanmoins, malgré toutes ses tentatives, Lunaire n'avait aucune idée de comment l'arrêter. Il n'avait pas de « bouton » ni de bobine pour le ramener à elle. Non, en y regardant de plus près, la Veilleuse n'avait pas l'impression qu'il puisse être stoppé une fois lancé. Les minutes s'écoulèrent en silence, à mesure que Lunaire s'enfonçait dans un état d'asthénie profonde. Son cerveau peinait à réfléchir ou à rassembler les morceaux éparpillés de ses souvenirs. Peu à peu, la jeune femelle coula vers le sommeil. À bout, le pouvoir se replia finalement, puis disparut. Lunaire sombra dans l'inconscience, impuissante.