Tu as fermé les yeux, Maman.
Pour une heure, pour un mois, pour un siècle ; je ne saurais le dire, j’ai l’impression que les secondes se sont arrêtées quand ma sœur nous a abandonné. Où Lied s’est donc envolée ? Tu l’as imaginé au fil des jours, sans cesse exposée au danger. Mal nourrie, acculée, blessée. Peu à peu, les chances de la revoir vivante s’amenuisent. Elle est dehors depuis plus d’un mois.
Tu soupires. Il y a encore une lumière au fond de ton cœur qui veut croire à son courage, à sa force — mais la raison murmure qu’il est temps de faire le deuil. Vous avez cherché, cherché, cherché.
Tu as été jusqu’à marcher sous la pluie, oubliant la douleur provoquée par l’eau au moment de caresser le derme bouillant de ton étoile naine. Rien. Tu n’as rien trouvé, pas même une trace ou du sang pour te décider.
Tu as recommencé à soigner les loups pour guérir de son absence. Tu as récupéré ce vieux rôle — presque une seconde peau — laissée de côté pour son bien. Aujourd’hui, c’est pour le tien.
Tu sursautes en apercevant une ombre se profiler au-dessus de toi. Tu balances une œillade en arrière, réalisant soudain sa présence : Wick. Tu esquisses un sourire malheureux, navrée de ne pas être joyeuse à ses côtés.
- Salut, Wick.Tu ne lui as jamais donné de surnom, Maman. Tu penses depuis votre rencontre que son prénom est la plus belle chose au monde, qu’il n’est pas nécessaire de lui en donner un autre — même pas s’il est plus intime. Tu préfères glisser une infinie douceur dans ta manière de prononcer les deux syllabes plutôt que d’utiliser un « chéri » qui sonnerait mille fois plus terne.
D’ailleurs, tu n’es pas tout à fait sûre de ce que vous êtes l’un pour l’autre. Vous étiez amants, à l’époque ; mais un an s’est profilé depuis et vous n’avez toujours pas discuté de « vous ».
- On va devoir arrêter les recherches, pas vrai ? L’Hiver arrive. Elle n’est peut-être même plus de ce monde, à l’heure qu’il est.Une larme roule sur ta joue. Je pleure de concert, en silence, invisible. Je caresse le sillon creusé sur ton visage alors que le vent souffle simplement sur ta peau. Tu ne sens rien, ne vois rien. Tu passes ton regard sur son corps pour vérifier qu’il n’est pas blessé, qu’il ne va disparaître aussi, puis tu te rapproches pour lécher son cou.
Tu n’as pas pu nous sauver, c’est vrai, Maman.
Mais la monde ne s’arrête pas de tourner pour autant.