Récapitulatif des chasses

02.12 : 1 proie.
03.12 : Aucune proie.
04.12 : 1 proie (autre sujet).
05.12 : 1 proie.
06.12 : Aucune proie.
07.12 : 1 proie.
08.12 : 1 proie.
09.12 : 2 proies.
10.12 : Aucune proie.
11.12 : 1 proie.
12.12 : 2 proies.
13.12 : 3 proies.
14.12 : 2 proies.
15.12 : Aucune proie.
16.12 : 2 proies.
17.12 : 1 proie.
18.12 : 2 proies.
19.12 : 2 proies.
21.12 : 1 proie.
22.12 : 1 proie.
23.12 : 1 proie.
24.12 : 1 proie.
27.12 : 1 proie.
28.12 : Aucune proie.
29.12 : 1 proie.
30.12 : 2 proies.

02.12

- Soyez prudents.

Son ton était sec, sans appel. Le regard tourné vers les frontières, Lunaire se décida à bouger. Lentement, la compagne de la Lune se rapprocha des limites. Son cœur battait à tout rompre. Elle haïssait dépasser les barrières olfactives en laissant ses proches dans son sillage ; mais il était aussi de sa responsabilité de s'assurer que les ours polaires ne s'approchaient pas de chez eux. Pour cela, Lunaire devait prendre connaissance de l'état de la glace. Quand les ours parvenaient à se nourrir en chassant, ils ne venaient pas troubler la quiétude de Yuubae. En revanche, si la glace ne s'était pas suffisamment solidifiée...

Elle avança prudemment sur la surface lisse, blanche, sans aucune aspérité. Elle semblait épaisse. Plus que les années précédentes à la même période, en tout cas. Elle plissa les yeux, se rapprochant... quand un jeune phoque s'accrocha aux rebords, au pied de ses pattes. Lunaire lâcha un hurlement de peur en reculant, puis l'aida à se hisser sur la glace. Il était mal en point. De larges balafres caressaient ses flancs couverts de sang. Son cœur se serra. Il avait réussi à échapper à son prédateur mais ses blessures lui coûteraient la vie. C'était une certitude. Elle hésita un moment.

La Veilleuse, loin de ses habitudes, décida d'emporter le petit sans le tuer. Elle répugnait à prendre la vie d'un bébé. Elle préféra se diriger naturellement vers la tanière de sa guérisseuse attitrée : Impera. Malheureusement, le jeune phoque au duvet blanc expira une dernière fois en chemin. Il était bel et bien mort une fois arrivé au camp. Mal à l'aise, Lunaire le posa avec douceur dans le garde-manger.

03.12

- Comment tu te sens ?

Lunaire poussa un gémissement. Son corps semblait brûler tout entier. Son cœur battait la chamade puis ralentissait jusqu'à provoquer des fourmillements dans chacun de ses muscles ; ses poumons sifflaient bizarrement, sa peau était chaude.
Elle avait commencé à tousser dans la nuit après avoir eu l'impression que l'air avait perdu dix degrés en quelques minutes, puis sa vision s'était troublée, noircie... Jusqu'à ce que la Veilleuse, si solide, si âpre, si « increvable » fasse un malaise. Sa mère l'avait trouvée en rentrant de chasse en position fœtale, le visage déformé par la douleur. Un guérisseur avait été appelé sur place et Lunaire finalement déplacée pour ne pas refiler ses microbes aux louveteaux sensibles.

Pour résumer, la jeune Gamma était coincée chez le guérisseur avec une fièvre de tous les diables, les muscles courbaturés, le cerveau en gelée. Elle n'était pas très contente.

05.12

Lunaire se remettait doucement de la maladie. Son corps boudait l'effort avec ardeur, rendant ses mouvements plus lents que la normale. Elle passait beaucoup de temps allongée, effrayée par le froid qui hurlait dehors. Ses proches allaient, venaient, murmuraient pour ménager sa tête lourde mais, au final, seul le silence la soulageait réellement. Elle se glissait dedans dès que possible, s'éloignant du monde pour se reposer. Elle ne rentrait que pour donner ses ordres aux sentinelles, créer les groupes de rondes, saluer ses amis. Rien d'autre. Elle avait hâte que la douleur passe.

Sa mère, sans doute inquiète que la Veilleuse ne se nourrisse pas assez, délaissa l'un de ses trophées de chasse devant son repaire pour sa convalescence. Lunaire avala petit bout par petit bout, savourant la chair en priant pour ne pas vomir. Elle haïssait être malade.

06.12

Lunaire se remettait peu à peu de ses maux. Le guérisseur veillait sur elle le plus souvent possible mais ne pouvait évidemment pas la forcer. Pas Lunaire. Les jours semblaient s'éterniser, les nuits ne jamais se terminer. Elle n'en pouvait plus. Son cœur réclamait de bouger, de courir à fond, de chasser, de patrouiller. De faire ces choses pour lesquelles la Veilleuse vivait. Pile au moment où la femelle commençait à croire qu'ils avaient atteint le fond, on lui apporta une nouvelle qui la balança en Enfer : Henael était partie. Ne le supportant pas, l'ancienne sentinelle se barra sans écouter les recommandations pleines de sagesse des maîtres de soins. Elle s'en foutait. La vie de sa meilleure amie était en danger.

07.12

Lunaire bâilla. Son crâne la faisait encore souffrir malgré les soins assidus du guérisseur. Elle sentait que chacun de ses sens était surexcité, provoquant ses maux de tête. Le moindre bruit lui donnait l'impression de se faire agresser par une troupe de buffles enragés. Elle soupira. Par chance, l'hypersensibilité de son ouïe était une bénédiction pour la chasse. Elle le réalisa ce jour-là, en se lançant sur la piste d'un animal très apprécié de Lunaire : le faisan. Elle n'eut aucun mal à récupérer l'un de ces oiseaux facétieux.

08.12

La Veilleuse poussa un soupir de soulagement en achevant sa ronde. L'aube commençait à pointer le bout de son nez, les rayons de soleil s'étiraient paresseusement au-dessus de la mer gelée. La jeune femelle inspira profondément. Les embruns caressaient ses narines de leur parfum humide, brûlant ses poumons. Elle aimait la sérénité qui se dégageait de la surface gelée. Elle remarqua un ours polaire au loin mais le laissa en paix. Il était suffisamment à l'écart pour ne pas représenter un danger immédiat pour Yuubae. Elle n'avait aucune raison de s'en prendre à lui.
Elle préféra se concentrer sur un cormoran qui hurlait sur la plage. L'une de ses ailes avait une position étrange. En s'approchant, Lunaire réalisa qu'il devait se l'être brisé. Il était condamné. Jugeant préférable de l'achever avant qu'il ne meure de faim, la Veilleuse se dépêcha sur lui.

09.12

- Viens, Lu ! On va chasser !

Lunaire adressa un regard menaçant à Avem. « Lu » ? Quel genre de surnom on avait là ? Malheureusement, l'apprentie chasseresse n'avait plus peur de la Veilleuse. Elle se marra face à son air renfrogné, ce qui n'arrangea pas l'humeur massacrante de la plus âgée. L'ancienne sentinelle décida de lui faire payer plus tard, pendant la chasse. Une bonne humiliation ne pouvait pas faire de mal.

Elles se déplacèrent doucement en échangeant sur les dernières nouvelles. Avem les emmenait au Lac des Cendres. Lunaire n'aimait pas particulièrement chasser dans ce coin-là ; les environs de la Mer Gelée lui semblaient plus intéressants. Elle se résigna cependant. Avem commençait à s'affirmer sur le caractère, ne se laissant plus marcher aussi facilement dessus. Or, Lunaire n'avait aucune envie de se battre pour un terrain de chasse.

Elles commencèrent par suivre la Veilleuse qui avait repéré un phacochère. Il nourrirait la meute pendant un moment, pour sûr. Puis, Avem essaya de prendre le relais en les menant jusqu'à un blaireau — l'adolescente écopa d'une minuscule balafre sur le côté droit à cause de son imprudence.

10.12

Lunaire devait apprendre à lâcher prise, d'après les guérisseurs. Sa famille disait la même chose. Elle voudrait les voir à sa place, là. Elle avait des responsabilités par-dessus la tête et pas assez d'heures dans une journée pour en venir à bout. Elle devait sans cesse innover, aussi, uniquement « au cas où » ; ils ne seraient peut-être jamais attaqués par Akatsuki, mais ils valaient mieux être prêts si ça devait arriver.

Elle s'accorda néanmoins un peu de temps pour se reposer auprès de ses parents. Ceux-là commençaient à vieillir. Ils seraient bientôt considérés comme des anciens. Ils n'aimaient pas beaucoup que Lunaire le leur rappelle, d'ailleurs. Lovée contre sa mère, la Veilleuse bavardait innocemment de tout et de rien, même si le sujet de conversation déviait sans arrêt vers Apollo. Ouais. Le mâle était devenu le sujet favori d'Astrée.

11.12

Lunaire poussa un soupir de bien-être. Henael était à ses côtés pour une de leurs petites soirées à deux, sans personne pour les embêter. Elles avaient chassé ensemble un élan pour la réserve mais en avaient partagé quelques bouts pour se remettre de leurs efforts. Ces animaux étaient farouches. Lunaire les chassait rarement à cause de ça. Elle estimait que les proies les plus dangereuses étaient réservées aux chasseurs expérimentés, comme Artémis ou sa mère. Néanmoins, à deux, les amies avaient réussi à en coucher un jeune.

12.12

Lunaire caressa doucement les environs de ses yeux bicolores. Elle chérissait beaucoup la mer gelée, spécialement à ces périodes de l'année où le monde semblait dormir. Il y avait comme un soupir dans l'air, poussé par les nuages. Elle laissa ses paupières la soustraire à la vue, la cachant derrière un épais rideau noir. Voilà. La Veilleuse se reposait, loin des regards désireux de la voir échouer.

- C'est rare.

Elle sursauta. La voix venait de sa gauche, l'arrachant à sa méditation à peine commencée. Elle lança une œillade mauvaise au propriétaire des sons agaçants.

- Salut, Leif. Quelle désagréable surprise.

Le mâle bouda d'une simple moue, reportant ses yeux bleus sur l'océan figé. Il n'avait pas l'air dans son assiette. Elle avait remarqué ces changements dans sa personnalité quelques semaines auparavant, sans savoir ce qui pouvait les provoquer. Non pas que cela l'intéressait vraiment mais Lunaire se posait simplement des questions. Veiller sur Yuubae était son devoir, après tout.

- Tu chasses ?

La Veilleuse haussa un sourcil impérieux, sur le point de refuser. Elle se ravisa néanmoins, jugeant qu'il était peut-être temps de prendre son boulot plus au sérieux. Les relations entre ses camarades étaient importantes. Elle devait prendre soin d'eux. Elle hocha timidement la tête, puis le précéda sur la glace. S'il avait proposé l'activité, la femelle pouvait bien choisir le terrain. Or, la mer gelée était une excellente source de nourriture pendant la mauvaise saison.

Il marcha dans ses pas, moins sûr de lui. Leif était habitué aux sols durs de la Terre, pas vraiment à la glace traîtresse. Elle le guida jusqu'à leur première proie : un morse. La fille adoptée des Yuubae n'en était pas à son coup d'essai. Elle bloqua le cercle qui permettait à l'animal de retourner à l'eau avant de conseiller au guerrier de commencer. Bien sûr, ils savaient tous deux qu'ils devaient éviter les défenses de l'animal. Elles pouvaient les tuer sans difficulté.

Le plus pénible s'avéra être d'achever la bête. Le cuir épais qui lui servait de peau en faisait une proie compliquée. Ils parvenaient cependant à leur but au bout d'un moment, puis ramenèrent le morse au camp. En chemin, ils eurent la « bonne » surprise de trouver un poisson fraîchement tué. Ils s'en emparèrent également.

13.12

Lunaire observait les remous dans l'eau. Elle savait qui les provoquait : les poissons. Elle les regardait depuis plusieurs minutes déjà, fascinée par les faisceaux argentés balancés par leurs écailles lorsque le soleil les caressait. Ils ressemblaient à des fées. Des créatures surnaturelles, créées par une imagination trop fertile. Elle laissa un sourire doux ourler ses lèvres. Elle se demandait si ses enfants seraient aussi faciles à émerveiller qu'elle pendant ses premiers mois.
Son cœur rata un battement. Ses enfants ? La Veilleuse lâcha un rire nerveux. Elle ne savait pas bien d'où sortaient ces pensées bizarres mais il était l'heure de s'en débarrasser. Pas question de se laisser prendre par ces idées à la con.

Elle, mère ? Aucune chance.

Lunaire se secoua nerveusement, chassant les souvenirs mélancoliques de son enfance pour récupérer sa personnalité brutale. Elle adressa une œillade malveillante aux poissons qui dansaient encore sous la surface. Pour la peine, la Veilleuse allait en pécher un ou deux. Histoire d'effacer ce moment gênant des mémoires collectives.
Elle en récupéra deux suffisamment gros pour servir à la meute, puis les ramena au garde-manger.

En revenant plus tard dans la journée, Lunaire rencontra un animal qu'ils voyaient rarement : un chamois. Tentée par le défi, la Veilleuse chercha à le coucher. Elle eut moins de peine que prévu, ce qui la laissa un peu sur sa faim.

14.12

- Tu es vraiment pot de colle en ce moment...

Le mâle lâcha un rire gêné. Pour cause, les faits étaient là. Leif la suivait réellement partout. Il essayait de l'aider dans ses responsabilités, organisait ses rondes pour qu'elles correspondent à celles de Lunaire, chassait pour elle, préparait régulièrement une couche confortable à la tanière pour qu'elle dorme sur un lit doux...

Elle sembla comprendre la raison ce jour-là, précisément. Les yeux des membres du sexe opposé s'attardaient souvent sur son corps en ce moment. Même sa mère avait redoublé d'attention à l'égard de sa vie privée, quémandant des informations sur sa relation avec Apollo — relation qui n'existait que dans la tête d'Astrée, évidemment.

Lunaire avait ses chaleurs. Elle soupira. Pas question de céder aux avances d'un mâle. Non.

Elle l'embarqua cependant dans une chasse périlleuse. Ils avaient remarqué qu'un ours se rapprochait beaucoup de leur garde-manger. Ils devaient l'éliminer. Une heure plus tard, les deux rentraient gagnants avec une carcasse d'ours polaire et un blanchon en cadeau.