Cela faisait déjà deux jours que nous marchions vers la frontière Akatsuki. Pendant tout ce temps, j’ai simplement suivi Nehëmah sans poser de questions et sans contredire ses décisions. C’est lui l’espion. Je ne suis qu’un soutien, une sorte de garde du corps au cas où toute cette histoire tourne au désastre.

D’autant plus que je n’ai jamais eu à effacer l’odeur de la meute. C’est quelque chose que les espions font couramment mais, en tant que sentinelle, j’ai plutôt intérêt à montrer que je suis un Yuubae. « Devenir un vagabond » me ferait presque de la peine, mais je sais bien que c’est un détail qui aura toute son importance, une fois arrivés prêt du territoire ennemi.

Encore une fois, j’ai dû suivre mon coéquipier. Je suis déjà allé me balader en territoire neutre mais je n’ai eu l’occasion, ni l’envie d’ailleurs, d’aller jusque chez Nilaya et Kayraz. Ce que je sais, c’est ce que tout le monde sait : Leur territoire est situé dans le Sud-Ouest du territoire neutre.

Une fois arrivés prêt de la frontière, Nehëmah me fait signe de nous séparer et j’hoche la tête avant de partir dans la direction opposée à la sienne. J’ai mémorisé son odeur et serait capable de le retrouver si jamais nous nous retrouvons séparés.

Malheureusement, au bout de quelques instants, j’entend un bruit qui ressemble à une chute dans la neige et, quand je veux me retourner vers le son, je trébuche sur un morceau de bois, caché sous la couche gelée et manque de tomber. Le bruit n’a pas été affreux mais dans mes mouvements pour rester debout, je me suis avancé dans la forêt et me retrouve proche de Nehëmah et d’une louve Akatsuki qui n’a pas l’air d’apprécier notre présence.

Choisissant de laisser Nehëmah, à qui cette situation est peut-être déjà arrivée, de parler, je me redresse sans pour autant avoir l’air menaçant. On ne te veut pas de mal petite louve. On veut juste des informations.

Nehëmah et moi sommes dans de beaux draps. Adieu la belle intrusion silencieuse et la rapide collecte d’informations. Si nous arrivons à nous sortir de cette situation sans que les Akatsuki se rendent compte que des Yuubae sont entrés sur leur territoire ce sera déjà bien. Je ne pense pas que l’on va pouvoir apprendre quelque chose dans ces conditions.

Le point positif c’est, qu’au moins, nous ne sommes pas tombés sur un loup surentraîné. Au contraire, vu les herbes qui se trouvent à côté d’elle, elle doit sûrement être guérisseuse. Un coup de chance. D’autant plus qu’elle n’a pas l’air de nature violente puisqu’elle se contente de nous demander de partir.

J’espère seulement qu’elle sera assez crédule pour croire à l’histoire que nous allons lui raconter.

Entrant dans le jeu de Nehëmah, je me rapproche de lui, tout sourire mais les oreilles baissées en signe de pardon. Une fois à côté de lui, je me tourne vers la louve et baisse la tête dans une léger signe de soumission. Autant se donner à fond dans le personnage.

– Je suis vraiment désolé, belle louve. N’en voulez pas à mon frère. C’est ma faute si nous avons suivi cette proie jusqu’ici. Je suis un bien piètre chasseur. Nous partons.

Je ne sais pas exactement ce que souhaite faire Nehëmah. Peut-être voudra-t-il prendre le risque d’essayer de la questionner. Peut-être préférera-t-il tenter une incursion un peu plus loin. Ou alors il choisira d’abandonner pour aujourd’hui. Ce ne sera que partie remise. En tout cas, je le suivrai sans discuter. Encore une fois, je me plierai à son sens de l’espionnage.

La femelle perd patience. Elle ne semble pas clémente à nous laisser rester dans le coin plus longtemps. Je ne connais que trop bien la réputation des sentinelles Akatsuki et je n'ai aucune envie de me retrouver à deux contre cinq avec eux.

Je suis loin d'être un mauvais combattant mais dans la situation actuelle, nous risquons d'être très rapidement dépassés en nombre. Sans parler du fait que je ne connais absolument pas les capacités d'attaque de Nehëmah. Certains espions savent se battre et d'autres non. J'espère néanmoins que nous n'aurons pas à en arriver là. J'ai promis à Lunaire de rentrer en un seul morceau.

Malheureusement, notre situation ne fait qu'empirer. A côté de moi, Nehëmah me fait comprendre que je dois intervenir. Il n'a pas l'air d'aller bien. Je ne sais pas exactement ce qu'il a mais je compte lui faire gagner le temps nécessaire pour aller mieux.

Je baisse la tête vers la louve et parle d'un ton on ne peut plus poli.

- Je m'excuse encore une fois. Pour nous faire pardonner de notre intrusion inopportune et du temps que nous vous avons fais perdre, je vais vous chanter un petit quelque chose.

Et si mon pouvoir pouvait s'activer, se serait encore mieux.

Avant que la louve ne puisse répliquer, je lève la tête vers le ciel et commence à chanter la chanson la plus douce et tranquille que je connaisse. Un air qui a pour don de calmer les nerfs de ma soeur quand elle est un peu trop énervée. Je joue là dessus au cas où mon pouvoir ne fonctionne pas, ce qui arrive de temps en temps.

Une fois n'est pas de coutume et je ne sens pas mon pouvoir monter dans ma gorge. Je vais devoir compter uniquement sur ma voix. En espérant que la louve ne m'arrête pas avant que Nehëmah ai pu se reprendre.

Franchement après nos deux échecs d’intrusion, Nehëmah qui se sens mal et mon pouvoir qui ne répond pas à l’appel, je pensais vraiment que nous étions au fond du trou. Malheureusement pour nous, la vie fait toujours en sorte de nous faire comprendre qu’on peut creuser plus profondément.

Ma voix n’a eu absolument aucun effet sur la louve. Son manque de sens artistique me vexerait si notre situation n’était pas si problématique.

Elle est cependant passée de problématique à extrêmement dangereuse quand une seconde louve rejoint la première. Louve qui semble beaucoup moins enclin à la discussion que la précédente.

J’ai réellement cru que notre dernière heure était arrivée quand, par un quelconque miracle, Nehëmah a réussi à se reprendre et nous permet de nous reculer puis de quitter le territoire en courant. Je le suis pendant un certain temps. Nous arrêtons de courir bien longtemps après avoir dépassé la frontière.

J’hoche la tête quand Nehëmah propose de dormir assez loin de la frontière. Ça semble en effet être la solution la plus sûre. Je n’ai aucune envie de me retrouver à nouveau face à la seconde louve. Si elle nous revoit, elle attaquera pour tuer. C’est certain.

Alors que nous nous installons pour nous reposer, je pose la question qui tourne en boucle dans ma tête depuis quelques minutes.

– Que faisons-nous à présent ?

Une question simple mais d’on la réponse peut s’avérer difficile à trouver.

J’hoche la tête devant la réponse de l’espion. Il a donc décidé d’abandonner la mission ici. Cette décision me parait être la plus sûre bien que je me déçoive de devoir rentrer à la meute sans aucune information à donner à Henael et Lunaire. Nous aurions pu faire mieux, c’est certain. Mais nous aurions également pu faire pire. Nous sommes tous deux en un seul morceau et c’est ce qui importe.

Je m’allonge alors à une distance correcte de mon partenaire. Nous avons naturellement établi une certaine distance entre nous pendant la nuit. Une distance qui nous permet de ne pas empiéter sur l’espace de l’autre tout en étant assez proche pour pouvoir intervenir en cas de problème.

En fin de compte, ce dont je suis le plus fier dans cette histoire, c’est d’avoir donné tord à ceux qui pensaient que nous ne pourrions pas nous entendre, ne serait-ce que pendant la durée d’une mission.

C’est sur cette note un peu plus joyeuse que je pose ma tête entre mes pattes et m’endors dans un sommeil réparateur.