Récapitulatif des chasses:

Février

04/02 : /
05/02 : Une comète
06/02 : /
07/02 : /
10/02 : Une comète

Depuis que le ciel s’est tenté de vert et qu’il a plu des pierres, une bonne partie des loups de la meute se mettent à rechercher ces étranges cailloux, pensant dur comme fer que cela va leur apporter quelque chose. Chance, bonheur, force, courage, que sais-je. Ce que je sais, c’est que c’est totalement idiot. Aucun caillou, aucune roche, aucune pierre, ne peut aider un loup. Seule sa force le peut. Et, si les louveteaux peuvent s’amuser à courir partout à la recherche d’une pierre tombée du ciel, je doute qu’un adulte n’ait que ça à faire.

Un long soupir las sort de ma gueule alors que je sors de la tanière. Cette longue sieste n’a pas suffi à me reposer. Les piaillements incessants des louveteaux font monter mon taux de fatigue à une vitesse effrayante. Pourquoi donc ces jeunes s’intéressent-ils tous à ces pierres ? On dit que quand on s’approche de l’une d’entre elle, on devient comme hypnotisé et on est obligé d’aller la trouver, la rejoindre. Franchement, ce genre de chose ne m’attire pas. Au contraire.

Choisissant de fuir la tanière le plus possible, je cours me dégourdir les pattes dans le bois des Damnés. Je vais chasser. Au moins, moi, j’aurais fait mon travail. Si des loups ont besoin de petites pierres pour penser être fort, alors ils n’ont rien à faire ici.

Chasser. C’est ce que font les chasseurs. C’est ce que je fais. Ou plutôt, ce que j’étais sensé faire.

Alors que je viens de repérer l’odeur d’une famille de lièvres, quelque chose me distrait. Une sorte de présence, une force que je ne comprends et ne connait pas. Pourquoi ? Rien ne peut me distraire pendant une chasse normalement. Rien ne doit me distraire.

Laissant parler mon instinct, je me rapproche de la chose. Elle m’appelle, me demande de venir vers elle. Je ne veux pas suivre cette présence et, en même temps, je ne peux m’empêcher d’y aller. C’est plus fort que moi. Cette chose qui m’appelle serait-elle si forte que cela ?

Toujours dans le bois des Damnés, j’arrive finalement à côté d’un petit buisson caché entre deux arbres. Là, toujours poussé par cette force incompréhensible, je plonge le museau dans le buisson et me mets à chercher quelque chose. Je lève la tête une petite minute plus tard, un petit morceau de pierre dans la gueule. Serait-ce une de ces fameuses roches qui sont tombées du ciel ?

Je pose la pierre et me mets à l’observer. Pas plus grand que n’importe quel caillou qu’on peut trouver dans le coin mais… Il émet une petite lueur bleu-vert. C’est doux et assez faible mais j’arrive à la voir.

Maintenant, une question se pose. Qu’est-ce que je vais en faire ?

La petite pierre bleu-vert toujours posée devant moi, je me demande bien ce que je vais pouvoir en faire. Si ça ne tenait qu’à moi, je laisserais cette inutile petite chose là où je l’ai trouvé mais je n’arrive décidément pas à éloigner mon regard d’elle. Le pouvoir de ces pierres est-il si grand ? Ont-elles une force telle qu’elles peuvent m’induire leur volonté ?

Mais à quoi ça pourrait me servir d’avoir cette pierre ? A rien, tout simplement. Ou plutôt à rien sauf à réduire à néant cette irrépressible envie de prendre ce caillou dans ma gueule et de partir avec.

Le pire dans cette histoire c’est que cette insignifiante petite chose arrive à me détourner de mon objectif premier : chasser. Que vont dire mes supérieurs quand je vais rentrer bredouille ? Bredouille avec une pierre. Ce n’est pas cette pierre qui va nourrir la meute.

Choisissant finalement de céder, afin de pouvoir retourner à mon travail le plus rapidement possible, je prends la pierre dans ma gueule et me dépêche de retourner à la tanière. 

Une fois arrivé à la tanière, je pose la pierre dans le petit coin où j’ai l’habitude de dormir et me frotte légèrement dessus afin d’y apposer mon odeur. Rien ne m’appartient. Tout ce que j’ai appartient à la meute et aux alphas. C’est une loi que j’ai l’habitude de suivre et qui ne me dérange pas en temps normal.

En temps normal. Pas là. J’ai l’irrépressible envie de marquer cette petite chose. De bien faire comprendre à tous qu’elle est à moi et que personne ne doit la toucher. Personne.

En sortant de la tanière pour retourner dans le Bois des Damnés, je remarque que plusieurs loups agissent comme je l’ai fait quelques instants plus tôt. Ils ont une petite pierre et semblent vouloir la garder pour eux tout seul. Plus étonnant encore, chacune de ces pierres, ont l’air d’être de couleur différente. Ce phénomène m’inquiète autant qu’il me fascine. A voir lequel de ces sentiments va l’emporter sur l’autre.

Laissant de côté cette histoire de pierres de toutes les couleurs, je m’enfonce dans le Bois des Damnés avec la ferme attention de ramener du gibier. Beaucoup de gibier, de préférence. J’aime être efficace dans mon travail. Ce que je ne suis pas du tout depuis le début de la journée.

Laissant mes sens aux aguets, je sélectionne les odeurs qui pourraient m’intéresser et les cherche parmi les nombreuses odeurs de feuillage, de fruits et d’autres végétaux en tout genre.

Je finis par fixer mon odoras sur une appétissante odeur de lapins. Peut-être les mêmes lapins que j’ai remarqués un peu plus tôt avant d’être déconcentré par la petite pierre vert-bleu. Non ! N’y pense pas Cekan. Sors cette foutu pierre de ton esprit.

Je m’approche doucement de l’odeur tant convoitée quand une sensation, désormais familière, me fait tourner la tête vers la gauche. Non, pas encore.

Sans pouvoir contrôler mes membres, je me dirige vers une sorte de petite crevasse formée dans le sol du bois. Là, se trouve une pierre, tout à fait identique à celle que j’ai trouvé un peu plus tôt.

Qu’ai-je fait pour mériter cela ?