Récapitulatif des chasses:

Février

04/02 : 2 cormorans
05/02 : 3 tétras
06/02 : 1 lièvre + 1 comète
07/02 : 2 mulots + 1 comète
08/02 : 2 musaraignes + 1 comète
09/02 : 1 comète
10/02 : /
11/02 : 1 moineau
12/02 : 1 pic-vert + 1 rouge-gorge
14/02 : 1 faon
15/02 : 1 castor

Les trois apprentis sentinelle ont bien grandis. Ils ne seront bientôt plus des apprentis. Mais j’arrive quand même à leur apprendre des choses. Même à un an, un loup n’a pas appris tout ce qu’il doit savoir. Seule l’expérience apporte la connaissance nécessaire. En tant que Veilleur, ça me fait d’autant plus plaisir de m’occuper de ces jeunes.

– Tu sais Apollo, tu n’es pas obligé de t’occuper de nous. On va se débrouiller tout seul, me dit l’un d’eux alors que nous marchons vers la plage rocheuse.
– Si ça m’embêtait de vous entraîner, je ne le ferai pas.

Sans rien répondre d’autre, les trois apprentis se regardent et hochent la tête comme pris d’un commun accord. Ils me suivent alors plus gaiement, comme lorsqu’ils étaient plus jeunes.

– Bien, aujourd’hui, vous allez devoir attraper des oiseaux.
– Mais on l’a déjà fais ça, me répond l’un des jeunes loups.
– Ceux-ci sont particulier. Votre objectif sera de les attraper sans toucher l’eau, encore froide à cette période de l’année.

Dans cette zone, on trouve beaucoup d’oiseaux aquatiques : Cormorans, Macareux… L’objectif de l’exercice est d’augmenter leur précision. Ils seront alors plus efficaces pour prendre un intru par surprise.

Je leur montre une première fois et attrape un cormoran. Après plusieurs heures de dur labeur, seul un des trois réussis à attraper un oiseau.

– On reviendra demain.

Sur ce, j’en attrape un second afin que notre excursion remplisse un peu le garde mangé et afin de leur donner un autre exemple.

Comme promis, le lendemain je retourne à la plage rocheuse avec les apprentis sentinelles. Je les sens plus motivés que jamais pour réussir l’exercice que deux d’entre eux ont échoués hier.

Arrivés à destination, ils se mettent assis en arc de cercle devant moi et je prends la parole.

– Bien, vous avez tout votre temps. N’oubliez pas, l’objectif n’est pas d’attraper absolument un oiseau mais de devenir plus précis dans vos mouvements.

Ils hochent tous les trois la tête et se mettent au travail. Au bout d’une heure, je les interpelle et leur dis que je vais faire un tour de ronde et qu’ils doivent continuer à travailler en m’attendant. Plus motivés que jamais, ils reprennent l’exercice, voulant sûrement m’impressionner en ayant attrapés des oiseaux avant mon retour.

En réalité, je suis fier de leurs efforts et de leur détermination et ait décidé d’aller leur attraper un petit gouté à chacun. Après quelques dizaines de mètre, j’aperçois un groupe d’oiseaux terrestres : des Tétras. J’ai toujours eu du mal avec leur aspect un peu étrange mais ils ont le mérite d’être bon.

J’en attrape trois, prenant un grand plaisir à courir après les oiseaux, et retourne vers les apprentis. Quand j’arrive, ils ont tous l’air épuisés. Je pose alors mes proies sur la plage et les appelle.

– Une pause peut-être ?

Ils me regardent et comprennent immédiatement, me remerciant du regard alors qu’ils dévorent les Tétras.

Ça m'a fais du bien de m'occuper un peu des apprentis. A vrai dire, faire ce que je faisais avant de devenir Veilleur en général me fait du bien. Pas que je n'aime pas mon travail, bien au contraire. J'aime pouvoir aider la meute à l'échelle d'un Gamma. Néanmoins, ça fait parfois du bien de faire des choses plus simples, qui ont moins d'influence sur la meute. Des choses que peuvent faire n'importe quel loup.

C'est en partie pour ça que je chasse aujourd'hui. Après une longue journée à collecter les rapports de patrouille et à transmettre les informations importantes à Lunaire et Henael, j'ai bien envie de chasser un peu du côté de la cascade.

Alors que je reviens sur mes pas, quelques minutes plus tard, un lièvre dans la gueule, j'ai soudainement l'impression que quelqu'un m'appelle. Je me dirige alors vers le point d'eau le plus proche, sans vraiment savoir pourquoi.

Là au milieu d'une petite marre, se trouve une petite pierre. Elle brille d'un bel éclat orangé et je n'ai soudain qu'une envie : la prendre avec moi.

Le lendemain de ma découverte, ce petit bout de pierre continu de me fasciner. Je l’ai posé dans mon coin de la tanière et ne peut pas m’empêcher de le regarder à intervalle régulier. Après discussion avec ma sœur, nous avons fini par déduire qu’il devait s’agir d’un fragment d’une des roches qui sont tombées du ciel quelques nuits plus tôt. Mais cela n’explique pas pourquoi ce caillou a semblé m’appeler. Peut-être suis-je simplement trop fatigué ?

Après avoir distribué les ordres de patrouille du jour, je retourne près de la cascade, espérant pouvoir retomber sur un fragment de pierre et donc comprendre si j’ai juste eu un excès de fatigue la veille.

Comme la veille, je commence par chasser et ne ressent rien de particulier. Après deux mulots, je me dis que j’ai peut-être seulement rêvé hier et que je ferai mieux de dormir un peu plus.

Alors que je commençais à repartir vers la tanière, voulant donner un des mulots à Dia, la même sensation que la veille me prend alors aux tripes et je me retourne violemment. Après avoir posé mes deux proies, je me dirige naturellement vers le lieu qui est celui où je sais que je vais trouver une petite pierre orangée.

Au pied de la cascade, dans une petite flaque similaire à la marre de la veille, une roche un tout petite peu plus grosse que la précédente semble m’attendre. Naturellement, je la récupère. Le mystère est toujours là. Que sont donc ces petites pierres qui appellent des loups à leur rencontre ?

Avec Artémis, on a mené notre petite enquête et on a fini par découvrir que j’étais loin d’être le seul à avoir découvert l’une des fameuses pierres. Plusieurs loups ne la meute ont fait des découvertes similaires. Le plus étrange est que chacun semble posséder des pierres de couleur différente. Comme si chacun d’entre nous étions attirés par une petite comète particulière.

Alors que j’étais en patrouille, seul, cet après-midi, l’évènement s’est reproduit et sans que je sache trop comment, je me retrouve avec un nouveau caillou dans la gueule. Toujours orange. Mais pourquoi est-ce que je les garde au final ? En quoi pourraient-ils me servir à quelque chose ? Franchement, je n’en ai aucune idée mais étant dans l’incapacité physique de les laisser là où ils sont, je choisi simplement de laisser faire les choses et de les prendre avec moi à la tanière.

Voilà pourquoi, en rentrant de patrouille, je me retrouve avec deux musaraignes et une nouvelle petite pierre orangée.

Je suis encore en train de regarder les trois petites pierres quand Artémis arrive violemment derrière moi. Elle a l’air furieuse.

– Ça suffit ! Je m’en fiche que tu veuilles garder ces cailloux mais tu ne crois pas que tu as autre chose à faire de tes journées que les regarder en permanence ? Tu es le Veilleur je te rappelle !

Se faire rappeler ce genre de chose est particulièrement douloureux. Surtout quand ça vient de sa sœur jumelle. Surtout quand on sait que c’est absolument exact.

Je soupire et me redresse.

– Tu as raison Art’ mais je n’y peux rien. Je n’arrive pas à penser à autre chose. Je me pose tellement de questions.

Ma sœur répond à mon soupir. Je sais bien qu’elle comprend ce que je ressens.

– Je sais bien. Moi aussi je me pose des questions. Il n’empêche que si Lunaire ou Henael te trouvent ici, tu vas avoir du mal à te justifier.

Encore une fois, elle a bien raison. Je la suis donc à l’extérieur de la tanière et vérifie que tout se passe bien au niveau des patrouilles. En clair, je fais mon travail. Ce à quoi je ne m’attendais pas c’est à trouver une nouvelle pierre, juste aux bords du camp. Elle est là, posée sur le sol. Personne n’y fait attention, personne ne la remarque. Je suis le seul qu’elle appelle.

Après tout, tant que je fais mon travail correctement, il n’y a pas de raison pour que je laisse cette pauvre petite chose orange ici, n’est-ce-pas ?

D’habitude, je me lève toujours tôt. Histoire d’être sûr d’être bien réveillé pour le rassemblement des sentinelles. Ce fameux rassemblement quotidien où le Veilleur organise les patrouilles du jour.

Oui, d’habitude je me lève tôt, mais pas aujourd’hui. Plus je me lève tôt, plus j’attends. Plus j’attends, plus je réfléchis et j’en ai ma claque de réfléchir. Ces derniers jours, je suis obligé de m’occuper constamment pour éviter de penser à ces satanées petites pierres.

C’est ainsi que, à la surprise de la plupart des sentinelles, je me réveille en même temps qu’eux. Après une toilette rapide pour avoir, tout de même, un minimum l’air réveillé, je me dirige au centre de la tanière. Là, quelques sentinelles attendent déjà l’organisation des patrouilles du jour.

Aucun ne me pose de question. Aucun ne dit quoi que ce soit d’inhabituel. Après tout, tant que mon travail est fait, ils n’ont rien à redire.

– Alavis, Creed et Solan vous vous occuperez des trois patrouilles du jour. Prenez deux loups avec vous. Ceux que vous voulez. J’attendrai vos rapports.

Sur ce, les sentinelles s’inclinent légèrement et les trois chefs de patrouille du jour rassemblent leur équipe. Voilà qui est fait. Je n’ai plus qu’à m’occuper avant que la première patrouille ne rentre maintenant.

Je pensais avoir paru plutôt naturel la veille mais il faut croire que non. Juste après l’assignation des patrouilles, Alavis vient me voir. Je détecte immédiatement l’inquiétude dans sa voix de jeune mâle. Il faut croire que mon ancien apprenti me connait mieux que je ne le pensais.

– Ça te dis d’aller chasser ? Me dit-il.

En d’autres termes : Tu ne veux pas venir te changer les idées avec moi ? J’ai l’impression que tu es bizarre en ce moment.

Du moins, c’est ce que j’ai compris.

J’accepte avec plaisir la proposition du jeune loup et le suis jusqu’à arriver aux environs de la cascade.

Là, je me demande ce que je pourrai bien chasser quand Alavis saute devant moi, tout joyeux.

– On fait le concours de celui qui attrape le plus de proies ?

Je souris devant la bonne humeur du jeune loup. On faisait ça souvent quand il était encore mon apprenti. Pourquoi pas ? Après tout, la bonne humeur d’Alavis est contagieuse.

– Fais attention à toi. Je ne compte pas perdre, répondais-je.

Alavis hoche la tête et pars immédiatement sur la gauche tandis que je lève la tête à la recherche de quelque chose à chasser. Je repère rapidement un moineau, perché sur une branche basse.

D’un saut, je l’attrape entre mes crocs et le tue. La compétition ne fait que commencer.

Après avoir enterré le moineau, je marche doucement autour des arbres qui bordent la cascade. Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas autant amusé à chasser. On dirait que j’ai accumulé plus de stress que je ne le pensais. Je me demande si Lunaire supporte, mieux que moi, tout ce stress. D’autant plus qu’elle est Bêta. Elle doit avoir plus de problèmes que moi qui ne suis « que » Gamma.

En tout cas, je prends beaucoup trop de plaisir à chasser pour perdre cette compétition. Je ne compte pas laisser mon ancien apprenti me battre.

Les oreilles dressées, je me concentre sur tous les sons environnants. C’est ainsi que j’entends le petit gazouillement d’un rouge-gorge. Là, au-dessus de moi, une sorte de bande d’oiseaux piaille et communiquent. Ils ont l’air tellement joyeux que j’aurai presque de la peine à les chasser. Presque.

Je repère les deux plus gros : Un rouge-gorge et un pic-vert. Ces deux-là pourront former un bon repas pour un louveteau. J’imagine déjà Dia les dévorer.

Concentrée sur mes mouvements, je m’abaisse et saute afin d’attraper l’un des deux. D’un coup de croc, je le tue et ouvre ma gueule pour le laisser tomber, me permettant ainsi de sauter à nouveau avant que ma seconde cible ne s’enfuie.

Et de trois oiseaux. J’espère que tu es prêt à perdre Alavis.

Après plusieurs heures de chasse, Alavis et moi rentrons à la tanière, la gueule pleine d’oiseaux et de petites proies en tout genre. Nous avons eu la même tactique : privilégier les petites proies faciles à attraper. Après tout, le gagnant est celui qui attrape le plus de proies, pas celui qui attrape les plus grosses. La taille ne compte pas dans ce genre de défi.

Une fois notre gibier déposé dans le garde mangé, Alavis se tourne vers moi. Il semble avoir encore de l’énergie à revendre.

– Tu as gagné mais je n’ai pas dit mon dernier mot, me dit-il. On va chasser du cervidé ? Je sais que tu aimes le challenge.

Je ris à cette remarque et accepte immédiatement. A deux, attraper un cerf ou un daim est possible. Possible et même tout à fait faisable tant qu’on ne se retrouve pas face à un troupeau.

Nous retournons dans le coin de la cascade, là où on sait qu’il y a des plaines où les cerfs aiment courir. Tapis dans l’ombre, nous cherchons le gibier tant attendu.

C’est Alavis qui finit par remarquer la présence d’un faon. Juste à quelques mètres de nous. Il semble seul, perdu. Il doit avoir perdu la trace de son troupeau. Ce petit n’a pas de chance mais, en même temps, il n’aurait pas pu vivre seul très longtemps.

D’un signe de tête complice, Alavis et moi nous déplaçons pour entourer le petit. Au moment propice, nous sautons tous les deux et, alors qu’Alavis donne un coup de patte pour faire tomber l’animal, j’attrape son coup entre mes crocs et serre. Quand j’entend ses os se briser, je lâche ma proie et la laisse tomber.

Il n’y a plus qu’à le ramener à la tanière maintenant.

Après avoir amené le faon, Alavis et moi croisons la patrouille du matin qui m’attend pour faire son rapport. Je les écoute alors que la jeune sentinelle se décale un peu, ne voulant sûrement pas entendre des choses qui ne le concernent peut-être pas.

Résultat de la patrouille : Rien à signaler. Quelques traces de vagabonds sont visibles près des frontières mais aucun n’a l’air d’être entré. Aucune trace d’intrusion n’a été détectée. Bref, c’est ce qu’on appelle dans le milieu, une bonne patrouille.

Je remercie les trois loups pour leur travail et les congédie. Ils partent tous les trois tandis qu’Alavis se poste à nouveau à côté de moi.

— Tu n’as pas besoin d’aller voir l’alpha ? Me demande-t-il.
— Il n’y a rien à signaler. Je ne vais pas la déranger pour ça. Pourquoi ?

Alavis et souris et me propose de terminer cette matinée chasse par un petit tour à la rivière près de la cascade. La glace commence doucement à fondre et quelques bestioles très intéressantes sortent doucement de leur hibernation.

– On pourrait essayer de trouver un castor ! J’adore les castors !

Il les aime surtout dans son assiette mais je ne fais pas de commentaire et le suis.

Une heure plus tard, nous revenons avec un castor chacun. En effet, ils sortent doucement de l’hibernation. Celui-ci, par contre, n’aura pas eu le temps de voir grand-chose à son réveil.